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lundi 1 juillet 2024

Neutralité des élus : des précisions utiles

 
La loi du 24 août 2021 a précisé le cadre dans lequel il était attendu des élus de la République le respect du principe de neutralité :


« pour les attributions qu'ils exercent au nom de l'Etat, le maire ainsi que les adjoints et les membres du conseil municipal agissant par délégation du maire dans les conditions fixées à l'article L. 2122-18 sont tenus à l'obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité »

Principe de référence de l’action des fonctionnaires, et désormais de toute personne agissant dans le cadre d’un service public, la neutralité est le fait de ne pas, par un comportement, propos ou tenue vestimentaire, manifester ses convictions religieuses. Le but du principe est de faire en sorte que l’usager ne puisse douter de la neutralité du service, condition nécessaire du pacte républicain (Conseil d’Etat, 8 décembre 1948, Dlle Pasteau et 3 mai 1950, Dlle Jamet).

Le Tribunal administratif de Grenoble, à l’occasion de l’examen de la légalité du règlement intérieur du conseil municipal de Voiron, vient lui de rappeler que la liberté des élus municipaux d'exprimer leurs convictions religieuses ne peut être encadrée que sur le fondement de dispositions législatives particulières prévues à cet effet.

Le règlement intérieur prévoyait : " Une tenue vestimentaire correcte et ne faisant pas entrave au principe de laïcité est exigée des élus siégeant au conseil municipal.". Contrairement à ce que la commune faisait valoir, ces dispositions avaient « pour effet, si ce n'est pour objet, d'interdire, de manière générale, aux élus siégeant au conseil municipal de porter une tenue vestimentaire manifestant leur appartenance à une religion.»

Ainsi le TA de conclure que le dernier alinéa de l'article 15 du règlement intérieur relatif à la police de l'assemblée était illégal, « en tant qu'il interdit, de manière générale, aux élus siégeant au conseil municipal de porter une tenue vestimentaire manifestant leur appartenance à une religion ».

Référence : Tribunal administratif de Grenoble, 7ème Chambre, 7 juin 2024, 2100262

Pour un aperçu plus général sur la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 24 août 2021, lire sur ce blog : Loi du 24 août 2021 : Où en est le respect du principe de laïcité ?

jeudi 11 avril 2019

Laïcité et couvre-chefs : est-ce qu'on est tête nue si on porte une perruque ?

Bonjour,
Dans le cas pratique présenté du Sikh qui ne veut pas se découvrir, que penser des perruques lorsqu'elles sont un couvre-chef ? Certaines femmes juives ne voulant pas montrer leurs cheveux portent une perruque par-dessus leur chevelure naturelle. Par ailleurs, une femme sous chimio dont la calvitie n'est pas naturelle peut être amenée à porter une perruque pour se couvrir, ou un foulard. Il peut être humiliant pour elle non seulement de l'ôter mais encore d'avoir en résultat final des documents d'identité la représentant sans cheveux. Quelle réaction donc avoir, d'autant qu'il est possible aussi de ne pas voir qu'on est face à une perruque, faisant ainsi qu'on acceptera de certains un couvre-chef (la perruque) alors qu'il sera refusé à d'autres (le turban Sikh) ce qui n'est pas égalitaire ?

Le cas pratique de la formation que vous évoquez s'appuie sur la jurisprudence administrative et précisément sur la décision Conseil d’Etat 15 décembre 2006 Association United Sikkhs et Mann Singh, à propos de l'obligation d'apparaître tête nue sur permis de conduire. Éventuellement on pourra consulter aussi Conseil d'Etat 27 juillet 2001, Fonds de défense des musulmans en justice dans lequel une association attaquait le décret de 1999 instaurant l'obligation "Sont ( ...) produites à l'appui de la demande de carte nationale d'identité deux photographies de face, tête nue, de format 3,5 x 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes". 

La position de principe du juge est simple : nul ne peut se prévaloir de son culte pour refuser d'appliquer la loi commune. C'est le principe d'égalité de tous devant la loi, l'objectif même de la laïcité. Ainsi personne ne peut être dispensé de figurer tête nue sur la photographie destinée à établir sa pièce d'identité.

Il ne nous semble pas que le principe s'applique à la perruque dans les conditions de port que vous suggérez, puisqu'elle ne saurait constituer un "postiche", destiné à empêcher d'établir l'identité, mais une prothèse.

lundi 8 avril 2019

Neutralité des fonctionnaires : travail le samedi et shabbat

Encore une question de terrain avec la neutralité des fonctionnaires.

Un agent dont la fiche de poste précise que ponctuellement il peut être amené à travailler le samedi, le refuse pour ne pas rompre shabbat. Pour sa hiérarchie, accepter cette position romprait l'égalité de traitement entre tous les agents disposant de la même fiche de poste et poserait donc un problème managérial. Quelle position adopter ? Merci

C’est ici une question de conciliation entre la liberté de culte et les nécessités de fonctionnement du service. (Conseil d'Etat, du 16 février 2004, 264314 pour un gardien d’immeuble demandant un changement d’horaire pour pratiquer son culte les vendredis après-midi de 14h00 à 15h00) .

Si la fiche de poste précise que l’agent peut être appelé à travailler le samedi (la rédaction de cette contrainte est importante en cas de contentieux), ce dernier ne peut opposer un refus catégorique à tout travail le samedi, en cas de nécessité pour le fonctionnement du service. Le chef de service peut également réglementer les modalités de travail le samedi (définir un roulement) ce qui permettra de caractériser plus facilement le refus et l’absence de discrimination religieuse

En cas de refus de l’agent, outre le service non fait, c’est un manquement au devoir d’obéissance passible d’une sanction. Sanction du premier groupe, puis en cas de récidive, sanction plus forte.
Avant d’en arriver à ce stade, des solutions managériales peuvent être recherchées en fonction de l’organisation du service.

Enfin, ce n'est pas au nom de la laïcité que la sanction est posée, mais au nom de son obligation de respecter sa fiche de poste. Il faut garder à l'esprit que des autorisations d'absences pour les fêtes religieuses sont validées. C'est bien la manifestation par l'agent de ses opinions religieuses. Dans la mesure où le cas exposé le permet, il semble plus sage de ne pas partir sur le terrain de la laïcité...

vendredi 5 avril 2019

Neutralité des fonctionnaires : fonds d'écran ordinateur, tiroirs et signe religieux

Nouvelle question "terrain" remontée d'une récente formation sur le thème laïcité.

Dans le cadre de la stricte neutralité des agents et/ou personnels exerçant une mission de service public : est-ce que l'interdiction de signes, même discrets, dans l'espace bureau et banque d'accueil s'applique pour les fonds d'écrans d'ordinateurs ? Je pense que oui. Pouvez-vous me le confirmer ? Ainsi que le fait que signes religieux ne doivent pas être visibles dans un espace bureau par les collègues ? Est-ce que cela s'applique à l'intérieur des tiroirs où le signe, l'image religieuse peuvent être vus occasionnellement ? (que ce soit par les usagers ou les collègues ?) Mes questions semblent un peu entrer dans le détail mais ce sont des situations concrètes auxquelles nous pouvons être confrontés.

L’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifié par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dispose que :

«Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. »

Ainsi, tout signe relatif à une religion quelle qu’elle soit, est interdit sur le lieu de travail : (affiches, images, objets, voire musique même en sourdine). Cette interdiction s’applique au lieu de travail mais aussi au temps de travail ; par extension, l’image religieuse ou l’objet de culte au fond d’un tiroir pourrait être interdit à double titre, d’une part parce qu’il peut être vu et d’autre part parce qu’il est susceptible d’être utilisé pendant le temps de travail.

En revanche nul ne peut interdire la prière en son for intérieur...

jeudi 21 mars 2019

Education : la loi Debré est-elle compatible avec la loi 1905 ?

Dans le cadre de mes missions de formateur "laïcité", il m'arrive d'être saisi de questions orientées. Il en est ainsi de la suivante, sans doute mise au goût du jour par les conséquences de l'abaissement  de l'âge de la scolarité à 3 ans. En filigrane, l'abrogation de la loi Debré et le slogan "école publique fonds publics, école privée fonds privés". Le texte de la question est laissé tel que présenté par son auteur.

La Loi Debré, qui stipule que l’État doit subvenir aux frais de fonctionnement des établissements privés qui remplissent une mission de service public et ont signé un contrat avec lui, est manifestement en contradiction avec l’article 2 de la Loi de 1905 d'autant plus que l'enseignement privé (presque exclusivement catholique) revendique  l’expression de son caractère propre fondé sur la foi et la culture chrétienne et n'est pas assujetti à la loi de 2004 sur les signes religieux.
La très chrétienne Italie ne se révèle-t-elle pas concrètement plus laïque que la très sécularisée France quand elle réserve les fonds publics exclusivement à la seule école publique ?


Cher Monsieur, votre question relève d’une longue querelle, autour du principe d’un grand service public unifié de l’éducation nationale.

Actuellement, le service public de l’enseignement n’est pas uniquement porté par l’école publique, mais bien composé, avec d’un côté un acteur d’Etat (l’Education Nationale) et de l’autres de nombreux acteurs privés : les établissements privés sous contrat d’association avec l’Etat. C’est le sens de la loi Debré, qui concerne les établissements privés dans leur ensemble et non les seuls établissements catholiques : l’association à l’État traduit la volonté des établissements privés de participer au service public d’éducation.

« Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus ci-dessous, l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyances y ont accès. »
(art. 1 loi Debré)

La loi laisse à chaque établissement privé le soin de définir son « caractère propre ». Celui de l’Enseignement Catholique a été exprimé en 1969 par les évêques de France : « lier dans le même temps et dans le même acte l’acquisition du savoir, la formation de la liberté et l’éducation de la foi : proposer la découverte du monde et le sens de l’existence ».

En pratique, conformément à la loi, les programmes d’enseignement des écoles catholiques sous contrat d’association avec l’Etat sont ceux de l’Education Nationale, l’enseignement religieux n’y est pas obligatoire et les enfants ne partageant pas la religion de l’établissement ne peuvent pas être refusés. Ces engagements assurés et contrôlés, l’enseignement "est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat. (…) Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public." (a. L442-5 code de l’éducation).

Nous vous confirmons en outre que les établissements privés sous contrat sont exclus du champ d'application de l’article L141-5-1 sur le port des signes religieux, qui est destiné aux établissements publics. Les établissements sont donc libres d'accepter ces signes ou d'en réglementer le port sans contrevenir à la loi Debré (conformité d’une telle interdiction dans un arrêt de la Cour de cassation datant de 2005 qui confirme que la mesure figurant au règlement intérieur d’un établissement privé sous contrat d’association relevait « de l'organisation scolaire et du projet éducatif propre du collège sans violer pour autant son obligation d'accueillir les enfants en dehors de toute distinction d'origine, d'opinion ou de croyance »).

L'illustration provient d'AGORAVOX

mercredi 31 octobre 2018

Laïcité : tout est bon dans le cochon !

Tout est bon dans le cochon. Vieille rengaine, peut compatible avec les prescriptions bibliques ou coraniques disant aux croyants concernés qu'ils doivent avoir cet animal en horreur.

Enfin, ce qui est bon surtout, c’est de rappeler les essentiels dans ce combat que mènent plusieurs élus de tous bords contre l’offre de choix à la cantine… la seule qui permet à tous les enfants de la République de se réunir autour du repas de leur journée d’école.

La restauration scolaire est un service public facultatif

Les deux dernières décisions de la Cour administrative d’appel de Lyon le rappelle, la restauration scolaire relève bien de la catégorie des services publics facultatifs.

En conséquence, il est vrai que le Conseil Municipal est libre de créer, d’organiser selon ses moyens, voire de supprimer la restauration scolaire. Il s’agit bel et bien d’un choix politique, porté par une majorité municipale en réponse à un intérêt public local.

mardi 10 juillet 2018

Laïcité : se former, c'est mieux pour en parler !

Le 24 septembre débute la seconde session du MOOC "Les clés de la laïcité" que j'ai le plaisir d'animer parmi une belle équipe de spécialistes pour le CNFPT. Vous pouvez vous inscrire dès à présent pour suivre le cours et participer aux échanges (par ici). Si vous pensez que c'est inutile, testez-vous avec le questionnaire ci-dessous, et on en reparle !

mercredi 30 mai 2018

La laïcité fait-elle de l'Etat l'ennemi des religions ?

J’ai eu le plaisir, il y a quelques jours de faire un tour en Moselle, pays de Concordat, et à l’invitation d’une association de jeunesse catholique (lire ici). Vous savez mes repères, aussi me suis-je éloigné de la neutralité liée habituellement à mon cadre d’intervention, pour interroger mes propres discours à travers des arrière-pensées que j’ai prêté aux fidèles. Voici le conducteur de cette intervention, dont je me suis maintes fois éloigné…

La laïcité fait-elle de l’Etat l’ennemi des religions ?

Quelle drôle de question ! Ou plutôt ; comment ai-je pu me laisser convaincre de venir à Metz répondre à cette question, dans une plage horaire assez large pour être apostrophé, interpellé, voire contredit, sinon détesté. Et je me suis rappelé que, bien que juriste et aimant apporter des réponses aux questions que l’on me pose, le contexte de notre rencontre pouvait me permettre de répondre à la question-titre par une autre question. Sinon plusieurs.

jeudi 26 octobre 2017

Le pape ça va, avec une croix bonjour les dégâts.

Après plusieurs décisions contradictoires, et dans la ligne de sa jurisprudence sur les crèches d’octobre 2016, le Conseil d’Etat a tranché sur l’installation d’une croix en surplomb d’une statue du pape Jean-Paul II érigée sur une place communale. Un contentieux bretonnant, mâtiné de libre pensée et de prosélytisme, où rien ne nous sera épargné à part le mot « ostentatoire », finalement écarté.

Une croix ostentatoire sur une statue monumentale

Une statue du Pape Jean-Paul II, offerte par le sculpteur Zurab Tsereteli (personnalité plutôt sulfureuse), a été inaugurée en décembre 2006 (oui oui, 2006), sur la place portant son nom. Depuis lors, un collectif de défenseurs de la laïcité n’avait eu de cesse d’obtenir son retrait. Face à eux, l’association « Touche pas à mon Pape ».

jeudi 27 mars 2014

La démocratie confisquée (repost)


Chers lecteurs, je m'aperçois que je ne vous ai pas souhaité une "bonne année". D'autres l'ont fait à ma place me direz-vous. Ceux que nous avons choisi (ou pas) pour diriger notre pays notamment. Ceux qui nous assurent exemples à l'appui, que nous vivons grâce à eux dans une paisible démocratie occidentale. Ceux qui peuvent faire ce qu'ils veulent, puisque c'est pour cela que nous les avons élus.

Mesdames, Messieurs, apprenez que la démocratie ne se réduit pas à l’élection. Grâce à vous et à vos compères, prédécesseurs et annoncés successeurs, nous vivons aujourd’hui un avatar de régime autoritaire, fondé sur le clientélisme et un système de castes.

mardi 25 juin 2013

Le voile, c’est pas sport

Vous le savez, je suis un ardent défenseur de la liberté de conscience. Mais pas que : de la neutralité du service public, et de la condition féminine aussi. Ne vous méprenez pas. Je ne défends ni l’éternel féminin d’inspiration vichyste ni les études de genre, mais une égalité juste et urgente entre les hommes et les femmes. Mais ces combats se télescopent parfois...

mardi 9 avril 2013

Valeurs du service public : "Au loup ! Au (Baby-)loup !"


C’est peu de le dire, la décision de la Chambre sociale de la Cour de Cassation dite « Baby-Loup » a jeté le trouble dans une réflexion déjà complexe sur la place des valeurs républicaines dans notre quotidien. Interrogée sans cesse par de nouvelles expressions de la religiosité, notre société, dans laquelle les croyances "historiques" se sont sécularisées, répond avec une vision de la laïcité qui correspond à un moment de son histoire. A cela s’ajoutent les doutes sur les motivations réelles de cette nouvelle visibilité d’un sentiment intérieur, la foi, que semble rendre nécessaire la quête d’une certaine reconnaissance autant individuelle que communautaire.

En parallèle des enjeux sociétaux, la pratique administrative française est régulièrement bouleversée par les réglementations européennes sur les services d’intérêt général, qui poussent à la marchandisation des nombreux services publics. Comme un fan de rugby pourrait réponde à un supporter de football, la France situe sa position sur le plan des « valeurs du service public », érigeant en code moral les principes jadis dégagés par le Professeur Rolland : égalité, adaptabilité et continuité  Longtemps simple corollaire de l’égalité, la neutralité s’impose peu à peu comme un élément indépendant de cette quasi-devise, mais surtout comme une réponse à la fois facile et compliquée aux problèmes que soulève l’expression religieuse.

Solidement, le Conseil d’Etat a rappelé que la neutralité s’imposait à l’administration, comme un droit à l’indifférence au bénéfice des convictions de ses usagers. Ce faisant, le juge administratif confirme que la laïcité est un droit de croire ou de ne pas croire, ouvert au bénéfice de tous et avait pour conséquence le respect le plus absolu de la République envers les religions. Aucune exception, sauf si la religiosité de l’usager occasionne un trouble à l’ordre public ou au fonctionnement normal des services publics.

Mais le même Conseil d’Etat, concernant le cadre particulier des activités éducatives, a pris une toute autre décision. Ainsi, dans le cadre strict des établissements publics de l’Education nationale accueillant des mineurs, toute expression religieuse ostensible est bannie tant du côté des agents (classique) que du côté des usagers. On peut juger excessif que la République protège les enfants non-croyants de ceux qui croient, ou le saluer… mais on doit l’appliquer. Nombreux sont aussi les services éducatifs qui ont choisi d’appliquer volontairement le même principe à leurs activités extra scolaires ou complémentaires.

La Cour de Cassation a pu rappeler à son tour cette nécessaire neutralité pour les personnes travaillant sous contrat de droit privé dans un service public. Mais parce qu’elle concerne le personnel d’une crèche exploitée par une personne privée, elle a considéré que la décision de licencier une femme portant le voile islamique ne peut être justifiée par le principe de neutralité.

La crèche est pourtant sans conteste une activité d’intérêt général. Mais elle n’est pas, au sens de la jurisprudence constante du juge administratif, un « service public » qui se caractérise entre autres par la volonté non équivoque de la collectivité de prendre en charge une activité, un lien entre la collectivité publique et l’exploitant du service. Le fait de pallier l’insuffisance d’accueils publics de la petite enfance, le fait d’accueillir la petite enfance ne sont pas suffisants à permettre d’imposer des « sujétions de service public » à l’association ou l’entreprise, sujétions parmi lesquelles peuvent figurer le respect des « valeurs du service public ».

Au-delà de la petite enfance, la question se pose pour l’ensemble des structures d’accueil de l’enfance et de la jeunesse qui fonctionnent dans un cadre para-public. S’il existe des structures comme Baby-Loup qui revendiquent une certaine indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, la grande majorité des accueils de mineurs dépend de manière contractuelle d’une collectivité territoriale. Et il y a débat. Souvent conclues sous la forme de délégations de service public, ces conventions sont contestées sur la base de leurs éléments financiers qui les font risquer la qualification de marchés publics. Une évolution qui semble inéluctable, aussi au regard du droit européen des aides publiques.

Finalement, le débat évolue alors sur les conditions que les pouvoirs publics pourraient mettre en place pour que les personnes privées candidates à la prise en charge d’une activité éducative. Le code des marchés publics encourage les collectivités à truffer leurs appels d’offres de clauses concernant le développement durable, la place donnée à des travailleurs en situation de handicap… Se pourrait-il qu’il y ait une place pour une clause « valeurs », laquelle impliquerait de la part du prestataire de l’administration l’application volontaire du principe de neutralité ? 

Dans tous les cas, une telle clause serait-elle opposable au droit du travail qui, comme le rappelle la Cour de Cassation, ne fait obstacle à la manifestation d’une appartenance religieuse au bureau ? A moins que le Gouvernement puisse convaincre au-delà de sa majorité, en appui sur une islamophobie galopante, de mettre en pièce la liberté religieuse…

Je n’ai pas encore de réponse documentée à cette question. Mais j’ai promis de la trouver. Ces quelques lignes qui la rende publique sont donc là pour prouver à mon contact que je ne l’ai pas oubliée… Qu’elle me pardonne. Encore...

mercredi 20 mars 2013

Baby-Loup, intérêt général et laïcité

La Chambre sociale de la Cour de Cassation a surpris bien du monde hier, en rendant une décision favorable à la salariée de la crèche "Baby- Loup", qui contestait depuis 2008 son licenciement pour des motifs, selon elle, discriminatoires. Pour mémoire, elle avait perdu son emploi car elle se présentait revêtue d'un voile islamique sur son lieu de travail. Ainsi les magistrats de la Tour de l'Horloge se sont-ils rangés à son analyse, contrariant les juges du fond qui avaient donc appliqué à tord le principe de neutralité des services publics à cette entreprise privée.

jeudi 24 mai 2012

Laïcité : prière et intérêt public local


L’actualité de la cause laïque est mouvementée ces temps-ci… Au moment où le cabinet Ayrault compte parmi ses membres un Ministre des Cultes connu pour ses prises de position en faveur d’une laïcité « sans épithète » (Manuel Valls), le Conseil d’Etat élargit sa jurisprudence sur le concept d’intérêt public local en validant une subvention pour l’organisation d’une rencontre internationale portée par une communauté catholique. Contestée comme portant atteinte à la loi de 1905, l’aide publique est ainsi maintenue, alors que, semble-t-il, les participants à cette manifestation se sont aussi réunis pour prier ensemble…

lundi 21 mai 2012

Concurrence et services publics : du nouveau pour les SIEG


Depuis son adoption en décembre 2011, le « paquet Almunia », du nom du Commissaire européen à la concurrence, inquiétait le monde des associations, et spécialement celles chargées d’un service public de proximité, à caractère social. Car, malgré leur caractère « non lucratif », ces institutions sont considérées par l’Union européenne comme exploitant des services d’intérêt économique général, donc soumis aux règles générales du marché intérieur.

vendredi 18 mai 2012

Déontologie et politique : la charte du gouvernement Ayrault


Au moment où la politique pourrait ne plus être un métier (la campagne a été émaillée de débats autour du non cumul des mandats rappelez-vous), on pourra juger curieux que le Gouvernement emboîte le pas de la justice administrative en s'engageant dans la signature d'une "Charte de déontologie". Chacun sait que parler de déontologie revient à définir l'éthique d'une profession, ce qui est donc contradictoire avec ma première affirmation.

On pourrait aussi y voir un nouveau facteur de collusion avec les médias, friands de chartes de ce style. Pour autant, il faut en convenir, l'idée d'inviter ainsi notre personnel politique à faire preuve d'un certain sens du service public plutôt qu'à leur sens des affaires (personnelles) peut, voire doit séduire. Cependant, le fait que 26 des 34 ministres du jeune gouvernement Ayrault démarrent dès lundi leur campagne législative peut, voire doit ramener à la raison...

mercredi 16 mai 2012

Des repères sur les associations (printemps 2012)

On a beaucoup parlé des "corps intermédiaires" dans la campagne présidentielle. Le nouveau Président de la République à peine installé, la CPCA, coordination des associations françaises, propose en lecture sur son site la nouvelle contribution du Centre d'économie de la Sorbonne sur la place des institutions sans but lucratif dans la société française "Repères sur les associations mars 2012". Ce document permet de s'assurer que, si la contribution des associations à la cohésion sociale et au service public est toujours louée, des indicateurs économiques permettent aussi d'en mesurer l'efficacité.

lundi 14 mai 2012

QCM droit administratif : testez vos connaissances ! (maj)

[mise à jour : ce vieux questionnaire vous est toujours proposé, mais vous pouvez réviser aussi sur un nouveau format actualisé et plus dynamique en suivant ce lien : http://www.marcguidoni.fr/2019/03/qcm-droit-administratif-facile.html Merci de votre visite !]

Comme à chaque scrutin, je suis sidéré par la méconnaissance du fonctionnement de notre République par nos concitoyens. Pas vous ? Pour y remédier, vous pouvez trouver ici un test de droit constitutionnel, histoire de faire le point. Pour aujourd'hui, je vous propose de nous intéresser aux principaux thèmes du droit administratif... Facile. Bon courage !

Le droit administratif est un droit :
a  de création prétorienne ;
b  de création moderne ;
c  de création législative.

Le pouvoir réglementaire, c’est le pouvoir…
a  de régler les dépenses publiques ;
b  de régler les dommages causés par l’administration ;
c  de prendre unilatéralement des actes de portée générale et impersonnelle.

Un établissement public c’est :
a  un bâtiment ouvert au public ;
b  un immeuble installé sur le domaine public ;
c  une personne morale de droit public.