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jeudi 6 décembre 2018

Réformer pour mieux contrôler : à propos du projet de rénovation de la loi 1905

Le gouvernement vient d’annoncer son intention d’apporter une nouvelle mise à jour à un texte que beaucoup de défenseurs de la laïcité considèrent comme sacré. Faisons le point…

La loi de 1905, œuvre pacificatrice

Après une histoire tumultueuse, le but de la loi du 9 décembre 1905 était pacifier la société en réglant une fois pour toute la situation des cultes religieux en France, et notamment leur relation à la République. Pour y parvenir, la décision fut de couper brutalement les liens entre l’Etat et les cultes qu’il organisait depuis le Concordat. Et d’appliquer à l’avenir cette logique séparatiste à tous les mouvements religieux.

La loi de 1905 est réalité un édifice complexe. Réformée à plusieurs reprises, elle a pour fonction de rappeler les principes qui composent la laïcité française : la séparation des églises et de l’Etat et la liberté de conscience. Mais elle règle aussi les conséquences pratiques de la fin du Concordat au moment de sa promulgation. La jurisprudence récente du Conseil d’Etat a tout récemment mis en lumière certains de ses articles, portant des mesures d’apparence désuète, et qui ont trouvé un nouvel écho dans des pratiques territoriales variées (crèches de Noël, travaux sur des édifices publics, statues, portails de cimetières…).

Les axes de réforme

Le projet de révision de la loi de 1905 ne consiste pas à porter atteinte aux principes de base de la laïcité : séparation, non reconnaissance et non financement des cultes. Dans un contexte de développement de nouvelles croyances, qui n’empruntent pas les formes des cultes historiques, il s’agirait d’intervenir sur deux aspects techniques, qui restent sensibles : le régime spécifique des associations cultuelles (art. 18 à 24) et la police des cultes (art. 25 à 36).

Comme le laissent entendre les journaux, les principales organisations concernées par ces évolutions relèvent du culte musulman. Mais les associations évangéliques, dont la croissance est soutenue (création d’une église tous les 10 jours !), pourraient être tout aussi bien directement concernées.

La police des cultes

Fidèles lecteurs, vous savez que la religion ne relève pas des « affaires privées », puisqu’elle se pratique collectivement dans espaces publics. Il revient donc à l’Etat, par le biais de la police administrative, de veiller à ce que les pratiques religieuses ne remettent pas en cause la vie sociale paisible et sereine que définit le concept d’ordre public.

Selon un premier axe, cette police consiste principalement aujourd'hui à protéger les pratiques cultuelles (réunions religieuses, processions mais aussi sonnerie de cloches ou ouverture/fermeture… c’est le maire qui, en bonne intelligence avec le culte affectataire des lieux, qui règle nombre de situations).

Mais la loi de 1905, dans son contexte historique de peur du retour de la monarchie, avait prévu un deuxième axe, consistant à sanctionner les discours qui incitent à résister à l’exécution des lois ou à soulever une partie des citoyens contre les autres. Au regard de situations de crise rencontrées ces dernières années sinon ces derniers mois, le projet gouvernemental entend donc renforcer les mesures toujours présentes dans le texte, à l’évidence pour lutter contre les prédicateurs incitant à la haine. Ce qui ne sera pas évident...
Les « fuites » sur le projet de loi évoquent aussi un contrôle des délibérations des organes d’administration des associations, dans le but de limiter l’influence de courants radicaux voire leur prise de pouvoir dans la gestion de certains lieux de culte.

Troisième axe, les flux et le contrôle financiers. Le contrôle financier existant serait renforcé (déclaration des dons), pour permettre de tracer les apports venant de l’étranger qui seraient par ailleurs plafonnés.

On ne peut s’empêcher de relier cette évolution aux dispositions diverses antiterroristes, qu’il s’agisse de mesures de police administrative ou de sanctions pénales.

Le régime des associations cultuelles

Pour régler les conséquences de la séparation (suppression des établissements publics et fabriques nées du Concordat, devenir du patrimoine religieux relevant des personnes publiques, gestion des cimetières…), la loi de 1905 organise une catégorie spéciale de personnes morales dédiée à la matière religieuse : « Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte ».

Techniquement, ces associations sont régies par la loi générale du 1er juillet 1901, mais en outre, leurs statuts doivent contenir des dispositions très précises en matière de comptabilité et de tenue d'une assemblée générale annuelle. Par ailleurs, cette gestion peut être soumise au contrôle financier des services publics. En réalité, et encore aujourd’hui, toute association peut, lors de sa création, se déclarer comme association cultuelle, sans forcément remplir ces obligations. En effet, elle ne bascule sous le régime 1905 (avantages fiscaux, libéralités…) qu’une fois une déclaration réalisée auprès de l’autorité administrative.

L’évolution proposée par le gouvernement prend en considération le fait que de nombreux cultes fonctionnent par le biais d’associations loi 1901 « simples », échappant ainsi aux vérifications. Pour parvenir à mieux contrôler ces structures, deux démarches sont donc suggérées.

En premier lieu, remplacer la déclaration par une sorte de « label ». Toute association déclarée ayant pour objet le culte se verrait attribuer la « qualité cultuelle », avec les obligations de transparence associées. A priori, cette « qualité cultuelle » serait donnée pour une durée de 5 ans, avec une procédure de renouvellement. Elle pourrait surtout être retirée à tout moment, entraînant l’illégalité des opérations réalisées par l’association. 

En second lieu, l’idée est d’élargir la définition de l’objet cultuel à la construction et l’entretien de bâtiments et à la formation, aux salaires et à la retraite des ministres du culte et à l’enseignement religieux. Ainsi les cultes pourraient-ils recevoir des revenus locatifs, ou encore des subventions affectées, par exemple pour des rénovations énergétiques. Cette évolution, en forme de compensation, permettrait en outre, par la diversification des ressources des associations cultuelles, de limiter encore les influences étrangères.


De nombreuses associations du mouvement laïque contestent toute idée de réforme de la loi de 1905. Sur ce projet-là, les unes considèrent que l’Etat, qui cherche à organiser l’islam de France, emprunte une voie dangereuse, contraire à l’idée de séparation. Les autres analysent les avantages fiscaux comme une entorse à la règle du non financement des cultes.

Sans prédire le pire, et comme le dit la sagesse populaire… l’enfer est pavé de bonnes intentions.

mardi 19 octobre 2010

Rail : vers une libéralisation des TER

Dans le rapport annuel de la Cour des Comptes figure un bilan de la gestion des TER depuis le transfert aux régions. Au moment où la question de la libéralisation du transport des voyageurs agite le bocal, une question écrite (Question n° : 80691) lancée par le député Marc Le Fur permet d’entendre ( !) l’avis du Ministre des Transports sur une nouvelle hypothèse de gestion des transports régionaux : la mise en concurrence de la SNCF. Une proposition d’autant moins incongrue que les régions, qui subventionnent largement des lignes souvent peu rentables, manquent de ressources à consacrer à ces liaisons.

mardi 22 juin 2010

La vérité sur les suppressions de postes dans l'Education nationale (2)

Les annonces se multiplient, ainsi que les contestations. Sur le fond, une seule question : faut-il réduire les coûts aujourd’hui pour en payer le prix plus tard ? Ne faut-il pas plutôt réinvestir sur des tâches que des enseignants volontaires accomplissent parfois dans l’indifférence et qui, pourtant, répondent à l’objectif de réussite qui a été fixé à l’institution ? Pour poursuivre le billet publié hier, voici la suite des constats de la Cour des Comptes, des éléments pratiques cette fois…

lundi 21 juin 2010

La vérité sur les suppressions de postes dans l'Education nationale

Je ne suis pas le dernier à critiquer le projet du gouvernement de supprimer allègrement les postes d’enseignants dans les établissements scolaires. Mais il faut avouer que quelques uns des constats dressés par la Cour des comptes sur le service des professeurs peut laisser sans voix. Pensez, si l’on soumettait certaines décharges de service (la réduction du nombre d’heures d’enseignement devant la classe visant à compenser le temps passé par les profs dans des activités diverses) à une simple condition d’effectivité ou de régularité, il se pourrait que les économies réalisées représentent en heures l’équivalent de 20 500 postes !
 
Mais faut-il pour autant réduire les coûts aujourd’hui pour en payer le prix plus tard ? Ne faut-il pas plutôt réinvestir sur des tâches que des enseignants volontaires accomplissent parfois dans l’indifférence et qui, pourtant, répondent à l’objectif de réussite qui a été fixé à l’institution ? Voici les éléments relevés par la Cour …

mercredi 12 mai 2010

La Cour des comptes épingle l’école

La Cour des Comptes du Président Migaud a publié ce matin même un rapport thématique intitulé ‘"L'Éducation nationale face à l’objectif de réussite de tous les élèves’. Les constats tirés par la juridiction financière  sont sans appel : le système scolaire français souffre d’un dysfonctionnement généralisé.

lundi 22 février 2010

Combien ça coûte ?

Dans son rapport annuel, publié mardi 9 février, la Cour des comptes pointe une nouvelle fois une série d'anomalies dans la gestion des comptes publics. La Cour dénonce notamment la mauvaise gestion de l'État, sa frilosité et son manque d'engagement. Elle rappelle également plusieurs fois qu'elle avait déjà dénoncé certaines mêmes anomalies dans le passé.

•    Les inspecteurs fantômes de l'académie de Paris. Créé par Napoléon Bonaparte, ces fonctionnaires étaient à la base chargés de l'inspection des enseignants et des établissements scolaires du second degré. Au fil du temps, la gestion de ces agents a évolué. Selon la Cour, ils sont aujourd'hui des conseillers du président de la République, du premier ministre ou des ministres, voire des élus locaux et continuent d'assurer ces fonctions. Seul 1 sur 22 inspecteurs effectuait en juin 2009 la mission d'inspection de l'éducation. La Cour juge "indispensable" la suppression de ce corps.

•    La mauvaise gestion du dossier A400M. L'airbus militaire fait l'objet d'une âpre négociation entre EADS et les sept États partenaires du projet, sur la répartition de plus de 5 milliards d'euros de surcoût. La Cour dénonce "le niveau trop ambitieux des performances" exigées, certaines se révélant "irréalisables par l'industriel maître d'œuvre". Acheter des avions de "pays tiers", donc américains, "aurait permis de doter plus rapidement les forces françaises des moyens de projection qui leur font défaut et n'aurait sans doute pas été plus onéreux", assure le rapport. La Cour constate des écueils similaires sur d'autres programmes, comme le Rafale ou les hélicoptères de transport NH90 et d'attaque Tigre.

•    Des voitures de police utilisées à des fins privées. De janvier 2003 à septembre 2008, le nombre de voitures banalisées possédées par la police nationale a augmenté de 21 % (de 1 218 à 1 469 véhicules). "Les usages privés sont généralisés", note la Cour. Elle relève aussi que 31 véhicules sont à disposition de personnes sans rapport avec la police, dont "un ancien président de la République, deux anciens premiers ministres", des anciens ministres et des fonctionnaires. La Cour demande la fin des usages privés, la réglementation de la mise à disposition et une meilleure gestion générale.

•    Des contrôles fiscaux inégaux. "Certains secteurs d'activité, certaines catégories de contribuables (...) et certains impôts sont moins contrôlés que d'autres, parce que c'est plus difficile et moins immédiatement rentable en termes budgétaire ou répressif", dénonce la Cour. Les agriculteurs, les services juridiques, financiers, de santé ou d'immobilier sont relativement épargnés. A l'inverse, près du tiers des plaintes pour fraude fiscale déposées par l'administration visaient en 2008 des entrepreneurs du bâtiment, dont une grande partie de "maçons originaires d'un même pays méditerranéen". "La politique du contrôle fiscal n'est pas marquée du sceau de l'équité et d'une volonté acharnée d'aller porter le fer là où ça fait mal", a estimé Alain Pichon, président par intérim (voir encadré). Selon le rapport, des anomalies émaillent également le contrôle fiscal des agents vérificateurs eux-mêmes, souvent réalisé par des collègues ou des subordonnés et parfois jugé "plus clément".

•    Un lutte contre les fraudes à l'assurance chômage inaboutie. La Cour des comptes évalue le préjudice des fraudes à deux milliards d'euros par an, dont plus de la moitié est à imputer aux employeurs qui ne déclarent pas leurs salariés et ne payent pas les cotisations chômages. Le préjudice lié à la fraude aux allocations atteindrait elle près de 800 millions d'euros. La Cour note des disparités de corps de métier (les intermittents du spectacle sont sur-représentés dans les dossiers de fraude) et de région (en 2007, on risquait par exemple deux fois moins de se faire sanctionner en Midi-Pyrénées qu'en Basse-Normandie). Seuls 2 % des demandeurs d'emploi seraient indemnisés alors qu'ils ne recherchent pas vraiment de travail, selon des statistiques 2007 des ministères chargés de l'emploi et du travail.

•    Sécurité sociale : le papier encore privilégié à l'électronique. "L'assurance-maladie a encore reçu quelque 150 millions de feuilles de soins papier en 2009", soit "une dépense évitable de 200 millions d'euros par an", souligne la Cour. Une feuille de soins papier coûte en moyenne 1,74 euro à la Sécu contre 0,27 pour une feuille télétransmise. En 2008-2009, "pas moins de 41 % des spécialistes et 27 % des généralistes (...) n'émettaient aucune feuille de soins électronique", indique le rapport. La loi "Hôpital, patients, santé, territoires", votée en 2009, a introduit une amende pour les médecins recourant encore aux feuilles papier, mais des négociations difficiles entre l'assurance-maladie et les syndicats de médecins ont retardé sa mise en place. La Cour préconise que l'amende que devront verser les médecins soit fixée "à un montant dissuasif" et "sans autre délai". L'assurance-maladie a indiqué que la taxe serait effective à partir du mois de mai et située autour de 50 centimes d'euros par feuille de soins papier.

•    L'endettement des ménages en augmentation. Le nombre de dossiers de sur-endettement de particuliers est passé de 70 000 en moyenne annuelle au début des années 1990 à 185 000 par an entre 2004 et 2008. Le coût pour les fonds publics est inconnu car non évalué. La Cour propose notamment de contraindre les banques à participer financièrement à la gestion du problème.

•    Le coût disproportionné des niches fiscales. Le déficit public est passé de 3,4 % du PIB fin 2008 à 7,9 % fin 2009, une augmentation pas uniquement imputable à la crise. Ce déficit structurel est aussi le résultat du non respect par le gouvernement de ses engagements en matière d'encadrement des "niches fiscales". Le gouvernement s'était engagé à ce que chaque nouvelle "niche" soit gagée par la suppression d'une dépense d'un montant équivalent. D'après la Cour, le coût des nouvelles niches l'an dernier est supérieur de 1,2 milliard d'euros aux gains obtenus dans le même temps par ces suppressions. Le manque à gagner pour l'Etat passerait ainsi de 65,9 milliards d'euros à 70,7 milliards en 2009, soit une hausse de 7,3 %. Au total, les recettes fiscales nettes de l'Etat diminueront d'environ six milliards d'euros en 2009 et de deux milliards de plus en 2010, hors réforme de la taxe professionnelle et hors plan de relance, relève la Cour.
   
•    Le coût des défiscalisations pour l'outre-mer. La Cour demande la révision complète de la loi Girardin, faite pour attirer les capitaux privés outre-mer. Via cette loi, l'État consent de facto des avances à des taux d'intérêt supérieurs à 10 % pour des investissements immobiliers et 60 % pour les investissements industriels. Les investisseurs ont le droit de reprendre leur argent au bout de cinq ou six ans. La cour demande la révision complète du dispositif : la défiscalisation d'investissements en outre-mer a coûté 1,28 milliard d'euros à l'État en 2009 et coûtera 1,4 milliard en 2010, alors que les investissements s'avèrent souvent temporaires.

Retrouvez le rapport complet sur www.ccomptes.fr
Article original : http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/02/09/dette-gachis-favoritisme-la-cour-des-comptes-n-epargne-pas-l-etat_1303515_823448.html