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jeudi 21 mars 2019

Education : la loi Debré est-elle compatible avec la loi 1905 ?

Dans le cadre de mes missions de formateur "laïcité", il m'arrive d'être saisi de questions orientées. Il en est ainsi de la suivante, sans doute mise au goût du jour par les conséquences de l'abaissement  de l'âge de la scolarité à 3 ans. En filigrane, l'abrogation de la loi Debré et le slogan "école publique fonds publics, école privée fonds privés". Le texte de la question est laissé tel que présenté par son auteur.

La Loi Debré, qui stipule que l’État doit subvenir aux frais de fonctionnement des établissements privés qui remplissent une mission de service public et ont signé un contrat avec lui, est manifestement en contradiction avec l’article 2 de la Loi de 1905 d'autant plus que l'enseignement privé (presque exclusivement catholique) revendique  l’expression de son caractère propre fondé sur la foi et la culture chrétienne et n'est pas assujetti à la loi de 2004 sur les signes religieux.
La très chrétienne Italie ne se révèle-t-elle pas concrètement plus laïque que la très sécularisée France quand elle réserve les fonds publics exclusivement à la seule école publique ?


Cher Monsieur, votre question relève d’une longue querelle, autour du principe d’un grand service public unifié de l’éducation nationale.

Actuellement, le service public de l’enseignement n’est pas uniquement porté par l’école publique, mais bien composé, avec d’un côté un acteur d’Etat (l’Education Nationale) et de l’autres de nombreux acteurs privés : les établissements privés sous contrat d’association avec l’Etat. C’est le sens de la loi Debré, qui concerne les établissements privés dans leur ensemble et non les seuls établissements catholiques : l’association à l’État traduit la volonté des établissements privés de participer au service public d’éducation.

« Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus ci-dessous, l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyances y ont accès. »
(art. 1 loi Debré)

La loi laisse à chaque établissement privé le soin de définir son « caractère propre ». Celui de l’Enseignement Catholique a été exprimé en 1969 par les évêques de France : « lier dans le même temps et dans le même acte l’acquisition du savoir, la formation de la liberté et l’éducation de la foi : proposer la découverte du monde et le sens de l’existence ».

En pratique, conformément à la loi, les programmes d’enseignement des écoles catholiques sous contrat d’association avec l’Etat sont ceux de l’Education Nationale, l’enseignement religieux n’y est pas obligatoire et les enfants ne partageant pas la religion de l’établissement ne peuvent pas être refusés. Ces engagements assurés et contrôlés, l’enseignement "est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat. (…) Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public." (a. L442-5 code de l’éducation).

Nous vous confirmons en outre que les établissements privés sous contrat sont exclus du champ d'application de l’article L141-5-1 sur le port des signes religieux, qui est destiné aux établissements publics. Les établissements sont donc libres d'accepter ces signes ou d'en réglementer le port sans contrevenir à la loi Debré (conformité d’une telle interdiction dans un arrêt de la Cour de cassation datant de 2005 qui confirme que la mesure figurant au règlement intérieur d’un établissement privé sous contrat d’association relevait « de l'organisation scolaire et du projet éducatif propre du collège sans violer pour autant son obligation d'accueillir les enfants en dehors de toute distinction d'origine, d'opinion ou de croyance »).

L'illustration provient d'AGORAVOX

mercredi 19 septembre 2018

Faut-il être pour le Service National Universel ?

Après des commentaires multiples dans la presse, c'est dans le silence de l'été que l'Elysée peaufine son projet majeur pour la Jeunesse : la réconciliation des jeunes et de la République à travers une période intense de vie collective et de formation citoyenne.

Ce projet a pour nom "Service national universel", et une série de problèmes pratiques (logement, transport...) à résoudre pour voir le jour. Mais peu importe, le service national jadis supprimé sera rétabli, et il sera universel, quand le service militaire touchait au plus haut 67 % d'une classe d'âges et seulement les garçons. Si vous voulez contribuer à sa mise en oeuvre, vous pouvez participer à une large consultation en ligne lancée par le Gouvernement (Le Service National Universel se crée avec vous, donnez nous votre avis)

Rappel du contexte

La « conscription » et le service militaire font partie de la mémoire collective, avec désormais une image plutôt positive, celle d’un « soldat-citoyen », et les armées ont, elles aussi, plus globalement un a priori favorable dans l’opinion. Cela tranche largement avec l’image du « bidasse », peu valorisante, qui mettait en avant le peu d’intérêt de ces mois qu’une partie des jeunes hommes de notre pays (65 % environ) passaient « sous les drapeaux ».

Quant à l’idée d’un service civil, assez floue après la suspension du service national en 2001, elle sera concrétisée en 2010 par le Service Civique, dans un contexte déjà marqué par le questionnement de la cohésion nationale, à partir des événements qui ont suivi le décès de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois. D’autres dispositifs seront créés, impliquant l’Education nationale et la Défense, comme les Cadets de la Défense, les classes Défense et Sécurité, ou encore service militaire adapté ou volontaire. Avec l’EPIDE (initialement « Défense Deuxième Chance »), les armées, composées désormais de professionnels du combat, s’affirment paradoxalement plus encore comme un partenaire de l’action sociale.

Aujourd’hui, le Service Civique est un succès. Dispositif d’engagement volontaire, il répond à ce jour aux aspirations des jeunes (défendre une cause, se rendre utile, s’engager au service des autres tout en se préparant à la vie active), toujours plus nombreux à le réaliser (les objectifs sont fixés 150 000 jeunes par an). L’idée de le rendre universel (90 % des 16-25 ans se disent enthousiastes à l’évocation du service civique et en ont une bonne image) est très souvent évoquée. Il est néanmoins contesté, en raison de pratiques très inégales dans les organismes d’accueil (substitution d’emplois, manque d’encadrement, moyens insuffisants pour réaliser les projets…).

Engagement de campagne du candidat Macron, le projet de Service National Universel dont les contours étaient flous semble devoir se concrétiser rapidement autour d’objectifs de mixité sociale et d’engagement de tous les jeunes français dans des actions d’intérêt général.
Ce service national universel, encadré par les armées et la Gendarmerie nationale, s’adressera aux jeunes femmes et hommes aptes de toute une classe d’âge. Au travers d’une expérience directe de la vie militaire, chaque jeune français ira ainsi à la rencontre de ses concitoyens, fera l’expérience de la mixité sociale et de la cohésion républicaine durant un mois. (Emmanuel Macron, 18 mars 2017)

Cette promesse électorale s’explique entre autres par le constat, dans les sondages d’opinion, d’une large majorité en faveur d’un service militaire obligatoire. 85,6 % des sondés par l’IFOP en 2016 pensent ainsi que les valeurs prônées pendant ce service serait bénéfiques aux jeunes. Autant pensent nécessaire pour la société française de disposer d’un outil d’intégration puissant qui pourrait, outre un brassage des différents milieux sociaux, assurer une transmission des valeurs républicaines et renforcer la cohésion nationale. (éléments rapportés par Bénédicte Chéron, historienne et enseignante à l’ICP, dans la note de recherche de l’IRSEM - Ecole Militaire n° 53 d’avril 2018).
L’actualité

Depuis les élections présidentielles, plusieurs hypothèses ont été avancées pour la mise en place du Service National Universel. Des objections de tous ordres ont été opposées, notamment économiques, mais rien ne semble aujourd’hui pouvoir s’opposer à la mise en œuvre d’un large dispositif d’engagement obligatoire, pratiquement dessiné dans les conclusions du rapport rendu le 26 avril dernier par le Groupe de Travail SNU désigné par l’exécutif et confié au général Ménaouine. Les premières expérimentations sont annoncées pour 2019.

Juliette Méadel, ancienne ministre, membre du groupe de travail sur le Service National Universel, évoquait ce rapport sur France Inter en présentant le projet comme une véritable révolution et qu’ainsi avec le SNU c’est toute la société, les jeunes bien sûr mais aussi leurs parents, grands-parents, leurs frères et sœurs et qui va se mettre en mouvement : envoyer quelques mois des jeunes au service d'autrui pour une mission d'intérêt général avec à cœur d'être utiles de donner un sens à sa vie à son engagement oui, c'est un projet de société (sic).

La presse s’est fait par ailleurs écho de la volonté du Président de la République de consulter cet automne les jeunes français sur le dispositif, à travers les associations, les syndicats d’étudiants et de lycéens, et peut-être d’autres canaux (consultation massive en ligne ?). Ces consultations ont été lancées par le Premier Ministre Edouard Philippe, en Avignon, il y a quelques jours (https://www.ledauphine.com/vaucluse/2018/09/14/edouard-philippe-a-avignon-son-discours-les-reactions-des-jeunes).

Ce que nous savons du dispositif envisagé

Le but du Service National Universel :
Permettre à la jeunesse d’acquérir les éléments essentiels pour un civisme actif au sein d’une société qui perçoit les menaces et les dangers pesant sur elle, et lui proposer des possibilités d’engagements lui permettant de déployer des talents à des fins d’altruisme et de solidarité. (GT SNU)

En pratique, le SNU doit :
- Etre l’occasion pour une classe d’âge entière de rencontrer et de partager la vie de personnes du même âge que des trajectoires sociales individuelles ne permettraient sans doute pas de se côtoyer ;
- Permettre de confier à chaque jeune une responsabilité et de le reconnaître capable de l’exercer alors même que l’échec scolaire ou sociale a déjà pu frapper ;
- Assurer l’adhésion à un projet collectif et favoriser le lien social ;
- Préciser des choix d’orientation par la découverte de milieux professionnels.

Les objectifs annoncés du projet :
1. Permettre la cohésion sociale et nationale (mélange des sexes, des origines sociales et géographiques, des cultures, des mœurs) en faisant se rencontrer une génération à l ‘âge où elle acquiert les principaux repères qui vont structurer sa vie sociale ;
2. Prendre conscience des enjeux de la défense et de la sécurité nationale et déterminer le rôle que chacun peut y jouer ;
3. Affirmer les valeurs de solidarité pour provoquer une implication personnelle au service d’autrui et de la communauté nationale ;
4. Donner à chacun une fierté, le sentiment d’une utilité propre dans un rôle à jouer pour construire l’avenir.

On observera que ces objectifs sont présentés comme complémentaires au « parcours citoyen » qu’est devenu l’éducation civique scolaire, et qu’il est difficile de ne pas y discerner une forme de constat d’échec de l’Education nationale dans sa capacité à développer une forme de culture républicaine, tant sur le plan des valeurs de référence que sur le brassage des populations.

Le déroulement :
Le SNU se présente comme la fin du « parcours citoyen » proposé à l’école et au collège (programme d’EMC – enseignement moral et civique) dont le but est, rappelons-le, d’associer dans un même mouvement la formation du futur citoyen et la formation de sa raison critique, l’élève acquérant ainsi une conscience morale lui permettant de comprendre, de respecter et de partager les valeurs humanistes de solidarité, de respect et de responsabilité (source Eduscol).

Le SNU se déroulerait en 2 phases majeures :
1. Temps de cohésion et de projet collectif (obligatoire)
2. L’engagement volontaire

Le temps de cohésion et d’engagement est conçu comme un stage résidentiel d’au moins 12 jours sans retour au domicile, suivi immédiatement ou brièvement différé d’un temps d’action collective. Cette étape se déroulerait dans l’année suivant la 3ème, sur les congés scolaires (sauf vacances de Noël et mois d’août). Son contenu ressemble à une journée défense et citoyenneté étendue (bilan de santé, bilan de compétences simplifié, présentation des forces armées, cybersécurité…) émaillée de moments de cohésion (activités de groupe, sportives ou non). A l’issue les jeunes participeraient à une période de préparation à l’engagement (soit de type préparation militaire, soit à travers la réalisation d’un projet collectif par exemple dans le cadre scolaire ou des collectivités territoriales).

5 modules sont envisagés :
- Développement personnel (de la détection de l’illettrisme à des entretiens d’orientation professionnelle en passant par la mise à niveau informatique)
- Résilience (secourisme, mises en situation de groupe, effort physique…)
- Droits et devoirs dans la République (présentation du monde de la justice, sécurité routière…)
- Esprit de défense (risques et menaces, rencontre avec des unités militaires, opex)
- Préparer l’engagement (présentation de la phase 2 et thématiques d’engagement)

La participation à cette première phase serait sanctionnée par un titre, remis lors d’une cérémonie solennelle, qui pourrait être ultérieurement exigé pour passer le code ou accéder à certains examens.

Le temps d’engagement volontaire, ouvert de 18 à 25 ans, pourrait prendre 2 formes, l’une militaire (ou dans la sécurité publique), l’autre civile (inspirée du service civique actuel) sur des thématiques identifiées (aide à la personne, environnement, culture et mémoire, éducation). Des associations agrées seraient mises en réseau pour accueillir les appelés.

Durant l’ensemble des phases du SNU, le jeune appelé aurait qualité de « collaborateur occasionnel du service public », avec des conséquences précises en terme d’application du principe de laïcité (neutralité).

L’encadrement :
Le projet qui se dégage devra assurer l’accueil de 800 000 à 900 000 jeunes appelés, durant des périodes étalées sur une année scolaire, et notamment une quinzaine de jours en résidentiel.
A terme, la volonté est de voir l’encadrement des jeunes assuré par des personnes issues elles-mêmes du dispositif (une forme de « réservistes du service national ») ; d’ici-là, la question reste entière (militaires, pompiers, secouristes, réservistes… ?). Dans tous les cas, les armées assureraient la formation de ces cadres, au titre de son expérience et de ses méthodes reconnues de conduite de groupe, d’exercice de l’autorité, de gestion des conflits et des situations à risque. Cette formation conduirait à la délivrance d’un brevet de qualification reconnu par ailleurs.

Le déploiement envisagé
Un premier appel de jeunes pourrait avoir lieu dès 2019. Le GT SNU envisage toutefois un développement de 7 ans pour permettre la mise en œuvre totale du programme.

photo : The Mud Day, ASO

mardi 10 juillet 2018

Laïcité : se former, c'est mieux pour en parler !

Le 24 septembre débute la seconde session du MOOC "Les clés de la laïcité" que j'ai le plaisir d'animer parmi une belle équipe de spécialistes pour le CNFPT. Vous pouvez vous inscrire dès à présent pour suivre le cours et participer aux échanges (par ici). Si vous pensez que c'est inutile, testez-vous avec le questionnaire ci-dessous, et on en reparle !

mardi 10 avril 2018

L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle. A propos du discours d'Emmanuel Macron aux Bernardins

"L'Etat chez lui, l'Eglise chez elle !" Par ce trait d’Hugo, que souvent me rappelle un ami poète azuréen, nous pourrions semble-t-il nous joindre aux hauts cris de ceux qui contestent au Président Macron le droit de s’être adressé, hier soir, à une assemblée réunie par les évêques de France.

Mais en réalité l’Etat est partout chez lui, comme il le montre par ailleurs, hasard du calendrier, en envoyant la maréchaussée dégager Notre-Dame-des-Landes qui, malgré son nom, n’est pas une chapelle. Et s’il est partout chez lui, il semble possible qu’il s’adresse à quiconque lui donne la parole, si tant est qu’il ait besoin d’une autorisation de la prendre...

vendredi 2 février 2018

A quoi sert l'école ?

Il y a quelques jours j'ai été interpellé poliment sur Twitter à l'occasion d'un échange sur l'éducation. La question était :"finalement, pour vous, à quoi sert l'école ?". En répondant alors "Pas de polémique !", je n'avais nulle volonté de fuir le débat... j'étais dans le TGV et ma connexion et ma connexion ne m'assurait pas la disponibilité nécessaire. Les jours passant, il est temps de partager ici quelques réflexions sur le sujet.

samedi 3 décembre 2016

Cachez cette crèche que je ne saurais voir #oupas

Depuis plusieurs mois, sinon années, les juristes cherchent la lumière dans un débat politique aussi creux que certaines figurines de plâtre qui décorent jardins, maisons, lieux de culte chrétien ou villes et villages à l'occasion de la fête de Noël.

Au moment où l'Education Nationale pourrait envisager de renommer les vacances de fin d'année pour être plus respectueux de l'ensemble des croyances ou non-croyances de la population, ce débat est relancé tactiquement par des élus soucieux de "patrimoine culturel", dans un sens qui leur est tout à fait particulier. Bref, la France pourrait-elle bientôt se déchirer à propos d'un couple juif mettant au monde un enfant dans un certain dénuement, bientôt entourés de mages orientaux peu catholiques et dont les effigies seraient dressées aux coins des rues ?

A bien regarder les récentes décisions du Conseil d'Etat, on peut donc compter plusieurs raisons de "faire la crèche" comme le dit l'expression populaire.

jeudi 17 mars 2016

Barbarin : faut-il ajouter l'outrance à l'outrage ?

Ne nous laissons pas gagner par la haine. La seule chose insupportable dans cette affaire, c'est le silence qui entoure la souffrance des enfants, des adultes meurtris et des fidèles trahis. 

jeudi 14 mai 2015

Laïcité : 2015, année zéro (2)

(ce billet fait suite à celui publié le 12 mai 2015 que vous pouvez retrouver ici)

Question 2 : On entend de plus en plus dire que la religion doit se cantonner dans la sphère privée. Est-ce que c'est ce que signifie la laïcité ?

Avant de répondre aux questions suivantes qui portent sur l'entreprise ou l'espace public, il est en effet indispensable de résoudre ce problème.

En France, jusqu’à nouvel ordre, la laïcité est une construction juridique à valeur constitutionnelle et non une idéologie particulière, à la manière d’une courant humaniste non confessionnel. Elle relève donc du droit public, et non de l’intimité des consciences.

Elle est définie par la loi du 9 décembre 1905, qui dispose que la République : 
  • assure la liberté de conscience (qui inclut le droit de ne pas croire), objectif premier ;
  • garantit le libre exercice des cultes l’expression publique de la religion, objectif second, car subordonné au respect de la liberté de conscience (qui la précède) et sous réserve des mesures d’ordre public ; 
  • « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » (la « séparation des églises et de l’Etat » repose sur le principe de non-reconnaissance juridique).

mardi 12 mai 2015

Laïcité et expression religieuse en France : 2015, année zéro

Il y a quelques semaines, j’ai accepté l’invitation de l’association « Les Alternatives Catholiques » à participer à un atelier sur « La laïcité est-elle un « outil de gestion » pour les pouvoirs publics ou une religion d’Etat ? ». (plus d'infos)

Ce fut l’occasion de réunir quelques éléments de synthèse sur le sujet, sur lequel vous pouvez lire sur ce blog quelques chroniques régulières. Au moment où la France perd de vue que sa laïcité est une promesse de liberté, se laissant convaincre qu’elle signifie le refus de toute religion, il m’est apparu opportun de vous proposer le feuilleton des questions qui ont été soulevées lors de cette soirée. Les voici donc pèle-mêle.

Comme ces billets reprennent des notes prises, la forme est souvent orale, et les références absentes. Je promets de faire le nécessaire pour mettre à jour ces billets et ne léser aucun auteur. Enfin, l’auditoire étant chrétien, cela explique l’orientation des conversations. Que personne n’en prenne ombrage. A bientôt !

Première question : La laïcité est-elle applicable à l’intégralité du territoire français ?

Si la laïcité signifie la liberté de conscience, le droit de croire ou de ne pas croire, alors oui, elle s’applique sur tout le territoire de la République ! Par contre, s’il l’on parle ici des principes de la loi de 1905 dite de séparation des églises et de l’Etat, alors elle ne concerne pas tout à fait toute la République.

lundi 28 avril 2014

Arythmie éducative (la suite)

Il y a quelques jours encore, en service commandé pour une auguste administration républicaine, j'affirmais comme le Gouvernement que les fondamentaux de la réforme des rythmes ne seraient pas remis en cause par Benoît Hamon, successeur de Vincent Peillon rue de Grenelle. J'ai un peu honte...

jeudi 27 mars 2014

La démocratie confisquée (repost)


Chers lecteurs, je m'aperçois que je ne vous ai pas souhaité une "bonne année". D'autres l'ont fait à ma place me direz-vous. Ceux que nous avons choisi (ou pas) pour diriger notre pays notamment. Ceux qui nous assurent exemples à l'appui, que nous vivons grâce à eux dans une paisible démocratie occidentale. Ceux qui peuvent faire ce qu'ils veulent, puisque c'est pour cela que nous les avons élus.

Mesdames, Messieurs, apprenez que la démocratie ne se réduit pas à l’élection. Grâce à vous et à vos compères, prédécesseurs et annoncés successeurs, nous vivons aujourd’hui un avatar de régime autoritaire, fondé sur le clientélisme et un système de castes.

mercredi 30 octobre 2013

Harcèlement, violence : ce n'est pas la faute de l'école

Hasards de l’actualité et de la programmation des chaines TV, mardi 29 octobre le tribunal correctionnel de Tarascon relaxait l’enseignante dont l’élève s’était accidentellement pendu à un porte-manteau, tandis que France 5 diffusait un documentaire poignant sur le harcèlement à l’école.

Quel rapport me direz-vous ? Au-delà d’une unité de lieu, l’établissement scolaire, d’une vague unité d’action (un décès accidentel par pendaison contre un suicide au fusil de chasse), deux questions saisissantes : où sont les adultes dans les écoles ? pourquoi la justice ne condamne pas l’école ?

mardi 25 juin 2013

Le voile, c’est pas sport

Vous le savez, je suis un ardent défenseur de la liberté de conscience. Mais pas que : de la neutralité du service public, et de la condition féminine aussi. Ne vous méprenez pas. Je ne défends ni l’éternel féminin d’inspiration vichyste ni les études de genre, mais une égalité juste et urgente entre les hommes et les femmes. Mais ces combats se télescopent parfois...

samedi 4 mai 2013

College boy : la violence n'éduque pas les consciences (maj)


 « âmes sensibles s’abstenir » nous dit prudent le Parisien lorsqu’il dévoile le nouveau clip de la chanson d’Indochine « College Boy ». A priori pourtant quoi de plus banal en ce moment qu’un titre dénonçant le harcèlement dont sont victimes les jeunes homosexuels dans les établissements scolaires ? Sauf que, et c’est là le message, cette situation en peut être banale, ni aucune autre violence perpétrée dans une cour de récréation. Oui, mais…

Plutôt enclin à m’enflammer contre ceux qui réclament une quelconque censure, je me range cette fois-ci aux côtés de ceux qui disent ce clip est choquant. Peut-être pas pour les mêmes raisons qu’eux. Et même… pourquoi pas.

mardi 9 avril 2013

Valeurs du service public : "Au loup ! Au (Baby-)loup !"


C’est peu de le dire, la décision de la Chambre sociale de la Cour de Cassation dite « Baby-Loup » a jeté le trouble dans une réflexion déjà complexe sur la place des valeurs républicaines dans notre quotidien. Interrogée sans cesse par de nouvelles expressions de la religiosité, notre société, dans laquelle les croyances "historiques" se sont sécularisées, répond avec une vision de la laïcité qui correspond à un moment de son histoire. A cela s’ajoutent les doutes sur les motivations réelles de cette nouvelle visibilité d’un sentiment intérieur, la foi, que semble rendre nécessaire la quête d’une certaine reconnaissance autant individuelle que communautaire.

En parallèle des enjeux sociétaux, la pratique administrative française est régulièrement bouleversée par les réglementations européennes sur les services d’intérêt général, qui poussent à la marchandisation des nombreux services publics. Comme un fan de rugby pourrait réponde à un supporter de football, la France situe sa position sur le plan des « valeurs du service public », érigeant en code moral les principes jadis dégagés par le Professeur Rolland : égalité, adaptabilité et continuité  Longtemps simple corollaire de l’égalité, la neutralité s’impose peu à peu comme un élément indépendant de cette quasi-devise, mais surtout comme une réponse à la fois facile et compliquée aux problèmes que soulève l’expression religieuse.

Solidement, le Conseil d’Etat a rappelé que la neutralité s’imposait à l’administration, comme un droit à l’indifférence au bénéfice des convictions de ses usagers. Ce faisant, le juge administratif confirme que la laïcité est un droit de croire ou de ne pas croire, ouvert au bénéfice de tous et avait pour conséquence le respect le plus absolu de la République envers les religions. Aucune exception, sauf si la religiosité de l’usager occasionne un trouble à l’ordre public ou au fonctionnement normal des services publics.

Mais le même Conseil d’Etat, concernant le cadre particulier des activités éducatives, a pris une toute autre décision. Ainsi, dans le cadre strict des établissements publics de l’Education nationale accueillant des mineurs, toute expression religieuse ostensible est bannie tant du côté des agents (classique) que du côté des usagers. On peut juger excessif que la République protège les enfants non-croyants de ceux qui croient, ou le saluer… mais on doit l’appliquer. Nombreux sont aussi les services éducatifs qui ont choisi d’appliquer volontairement le même principe à leurs activités extra scolaires ou complémentaires.

La Cour de Cassation a pu rappeler à son tour cette nécessaire neutralité pour les personnes travaillant sous contrat de droit privé dans un service public. Mais parce qu’elle concerne le personnel d’une crèche exploitée par une personne privée, elle a considéré que la décision de licencier une femme portant le voile islamique ne peut être justifiée par le principe de neutralité.

La crèche est pourtant sans conteste une activité d’intérêt général. Mais elle n’est pas, au sens de la jurisprudence constante du juge administratif, un « service public » qui se caractérise entre autres par la volonté non équivoque de la collectivité de prendre en charge une activité, un lien entre la collectivité publique et l’exploitant du service. Le fait de pallier l’insuffisance d’accueils publics de la petite enfance, le fait d’accueillir la petite enfance ne sont pas suffisants à permettre d’imposer des « sujétions de service public » à l’association ou l’entreprise, sujétions parmi lesquelles peuvent figurer le respect des « valeurs du service public ».

Au-delà de la petite enfance, la question se pose pour l’ensemble des structures d’accueil de l’enfance et de la jeunesse qui fonctionnent dans un cadre para-public. S’il existe des structures comme Baby-Loup qui revendiquent une certaine indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, la grande majorité des accueils de mineurs dépend de manière contractuelle d’une collectivité territoriale. Et il y a débat. Souvent conclues sous la forme de délégations de service public, ces conventions sont contestées sur la base de leurs éléments financiers qui les font risquer la qualification de marchés publics. Une évolution qui semble inéluctable, aussi au regard du droit européen des aides publiques.

Finalement, le débat évolue alors sur les conditions que les pouvoirs publics pourraient mettre en place pour que les personnes privées candidates à la prise en charge d’une activité éducative. Le code des marchés publics encourage les collectivités à truffer leurs appels d’offres de clauses concernant le développement durable, la place donnée à des travailleurs en situation de handicap… Se pourrait-il qu’il y ait une place pour une clause « valeurs », laquelle impliquerait de la part du prestataire de l’administration l’application volontaire du principe de neutralité ? 

Dans tous les cas, une telle clause serait-elle opposable au droit du travail qui, comme le rappelle la Cour de Cassation, ne fait obstacle à la manifestation d’une appartenance religieuse au bureau ? A moins que le Gouvernement puisse convaincre au-delà de sa majorité, en appui sur une islamophobie galopante, de mettre en pièce la liberté religieuse…

Je n’ai pas encore de réponse documentée à cette question. Mais j’ai promis de la trouver. Ces quelques lignes qui la rende publique sont donc là pour prouver à mon contact que je ne l’ai pas oubliée… Qu’elle me pardonne. Encore...

lundi 25 mars 2013

Projet éducatif territorial : la circulaire est sortie


Le Ministère de l’Education nationale a rendu public le texte complémentaire de la réforme des rythmes scolaires, la circulaire concernant le « Projet éducatif territorial » (PEDT). Cosigné par Vincent Peillon et Valérie Fourneyron, le texte est adressé à l’ensemble des acteurs concernés de l’Education nationale, des services académiques à l’ensemble des directeurs d’école maternelle et élémentaire.

Comme prévu, on y découvre le PEDT comme une démarche permettant aux collectivités territoriales volontaires de proposer à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité avant, pendant et après l'école, créant maximum de complémentarité entre les temps éducatifs. Le projet, qui sera le fruit d’une démarche partenariale avec ensemble les services de la ville, de l’Etat et les acteurs éducatifs locaux, doit favoriser l'élaboration d'une offre nouvelle d'activités périscolaires, voire extrascolaires, ou permettre la mise en cohérence de l'offre existante, dans l'intérêt de l'enfant.

La circulaire vient donc préciser les contours de l’élaboration du PEDT, et en premier lieu les objectifs, tandis que la dimension partenariale est fortement martelée, ainsi que le nécessaire appui sur les dispositifs existants, notamment à travers les contrats éducatifs locaux, enfance-jeunesse, contrats de ville, etc.

L'objectif principal du PEDT est donc de « permettre d'organiser des activités périscolaires prolongeant le service public d'éducation et en complémentarité avec lui ». Sans se limiter à l’école, « il peut être centré sur les activités périscolaires des écoles primaires ou aller jusqu'à s'ouvrir, selon le choix de la ou des collectivités intéressées, à l'ensemble des temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, de l'école maternelle au lycée ».

Le PEDT, sous la forme d’un engagement contractuel, se présentera comme l'engagement des différents partenaires à se coordonner pour organiser des activités éducatives et assurer l'articulation de leurs interventions sur l'ensemble des temps de vie des enfants, dans un souci de qualité et en présentant les garanties nécessaires de sécurité physique et morale des mineurs.

L’intérêt essentiel de la circulaire vient dans ce qui suit : une approche méthodologique accompagnée d’annexes qui sont autant d’outils à la disposition des collectivités qui auront choisi dès la rentrée 2013 de se lancer dans l’aventure.

Le texte précise enfin quelques éléments pratiques, sur les intervenants et leurs qualifications (avec renvoi aux articles R 227-12 et R 227-13 du Code de l’Action sociale et des familles). On y lit aussi une ouverture pour la participation d’enseignants volontaires à l’encadrement du temps périscolaire, avec mention d’une rémunération qui serait assurée par la collectivité.

lundi 25 février 2013

Rythmes scolaires : les vacances de M. Peillon (m-a-j)


12 millions d’élèves en France, plus d’1 million de personnels dépendant de l’Education nationale dont 850 000 enseignants, et près de 65 000 établissements scolaires. Et les familles. Face à eux un Ministre qui s’isole peu à peu, revendiquant une profonde réforme, une « refondation », de l’Ecole de la République, poursuivant les objectifs honnêtes et ambitieux de la réussite pour tous selon un rythme d’apprentissage plus respectueux des principaux intéressés : les enfants. C'est pas gagné.

Les enquêtes et les rapports se sont empilés. Rien n’à faire. Seules les alternances politiques ont eu un impact réel sur le calendrier scolaire. Pourtant, chacun sait ce qui ne va pas dans notre école française : des programmes mal fichus, approximatifs et répétitifs, des journées trop longues, des semaines trop courtes, des profs centrés sur des démarches disciplinaires et peu formés à l’appréhension de leur public…

De l’école de Ferry à celle de Peillon, il faudrait être bien cruche pour prétendre que le monde n’a pas changé : technologies, loisirs, culture… il ne s’agit plus d’occuper les enfants entre les saisons des champs, ou de retarder leur entrée à l’usine. Il reste une ambition intacte : éclairer les consciences, pour assurer l’avenir de notre modèle démocratique, de notre pacte social.

Balançant souvent entre instruction et éducation, l’école de la République a failli sur chacune de ces missions. Les élites se sont reconstituées, plus fortes et plus fermées. Le privé s’est embourgeoisé souvent au mépris même de ses propres fondamentaux.

L’école n’élève plus des citoyens, elle fabrique des crétins et aggrave sans cesse les clivages sociaux. Et regardez nos enfants : de redoutables magnétophones qui débitent des leçons ineptes, mais qui ne lisent pas, n’écrivent pas et perdent peu à peu les repères fondamentaux : valeurs, histoire, littérature... dans des cours donnés sans envie ni sens par des maîtres débordés et fragilisés.

Ce que nous propose Vincent Peillon, c’est de tout mettre par terre. Tout casser pour mieux reconstruire. J'en suis sûr, c’est la seule solution. On conteste aujourd’hui les heures hebdomadaires et la durée des vacances. Il y avait place pour la négociation. Tant pis. Mais combien serons-nous lorsqu’il s’agira du contenu des programmes ? Hélas sans doute beaucoup moins.

Gardons nos forces. N’engageons pas toute notre énergie dans une bataille déjà perdue contre les lobbies hôteliers. Gardons nos esprits clairs pour ferrailler avec les conseils et commissions qui déjà construisent le nouveau socle commun. Pour que ces nouveaux apprentissages fondamentaux permettent de faire de nos enfants et de nos jeunes de meilleurs citoyens, avec plus de mémoire et plus de sens, sans nostalgie ni démagogie.

Prenons des vacances, pour revenir au bon moment nous assurer que ce que nos enfants apprendront leur permettra de construire de meilleurs lendemains.

mercredi 13 février 2013

Rythmes : qui va s’occuper des enfants ?


La mobilisation n’y changera rien, la semaine d’école durera 4 jours et demi. Mais comme j’ai pu l’écrire ici, et aussi le dire ailleurs, il n’est pas question de contester le principe d’un étalement des heures d’apprentissage sur une plage plus large qu’aujourd’hui. Ce qui est critiquable dans cette réforme, outre la méthode, c’est qu’elle  ne prend en compte le rythme de l’enfant que dans l’objectif de le rendre disponible à l’enseignement.

En cela, et malgré le soutien qu’affichent certaines fédérations d’Education populaire, cette réorganisation de l’école inflige un camouflet à toutes les personnes qui agissent autour de l’enfant : la famille, peu consultée et dont l’organisation quotidienne est en péril, et les tiers-lieux éducatifs, de l’accueil de loisirs au club sportif.