jeudi 10 novembre 2016

Pour un Noël festif, culturel et spirituel : vive la liberté de conscience !

Par deux décisions datées du 9 novembre 2016, le Conseil d’Etat éteint le contentieux des crèches de Noël en laissant entrevoir, par les fenêtres du Palais Royal, les joyeuses lueurs des illuminations qu’une lointaine tradition accroche aux murs de nos villes et villages. Et dans nos cœurs.

Les réactions sont nombreuses, face à un arbitrage juridique qui laisse à certains un goût d’inachevé, et pose plus la question de la place des religions dans notre société que réellement celle de la laïcité dans son principe le plus clair : la neutralité des personnes publiques.

En disant ce qui apparaît (lors d’une lecture rapide) comme « tout et son contraire », le Conseil d’Etat nous renvoie en effet à notre propre responsabilité. La réponse n’est donc pas à chercher dans la loi de 1905, mais dans l’article 10 de la Déclaration de 1789 et 9 de la Convention européenne des droits de l'Homme, dans notre propre capacité à gérer la liberté de conscience.


Pour moi, face à un droit clair si l'on veut bien se donner la peine de l'appliquer selon les recommandations de l'Observatoire de la Laïcité, ces décisions posent une autre question, celle des conflits de valeurs entre une société fortement sécularisée qui transforme toutes ses traditions en objet marketing, et qui pour maximiser son plaisir importe en outre d'autres faits culturels d'ailleurs non dénués de sens religieux, comme Halloween, le lapin de Pâques ou les "holi runs".

J'essaierai de revenir sur ces éléments à l'occasion d'un prochain voyage en TGV... Pour l'heure, juste un mot sur les décisions tout de même, à partir des divers communiqués publiés par le Conseil.

Le Conseil d’État rappelle la portée du principe de laïcité. Celui-ci crée des obligations pour les personnes publiques, en leur imposant notamment :
  • d’assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes ;
  • de veiller à la neutralité des agents publics et des services publics à l’égard des cultes, en particulier en n’en reconnaissant, ni en n’en subventionnant aucun.

C’est ainsi que l’article 28 de la loi de 1905, qui met en œuvre le principe de neutralité, interdit l’installation, par des personnes publiques, de signes ou emblèmes qui manifestent la reconnaissance d’un culte ou marquent une préférence religieuse.

Le Conseil constate ensuite que les crèches de Noël sont au cœur de nombreuses représentations sociales, pas toutes d’ordre religieux. Ainsi, leur installation peut être légale, si l’intention de la personne publique est de les présenter dans un cadre culturel, artistique ou festif.

Reste à déterminer si l’installation d’une crèche de Noël présente l’un de ces caractères, et non pas la volonté de manifester une préférence religieuse. Pour cela, il faudra tenir compte du contexte dans lequel a lieu l’installation, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux et du lieu de cette installation.

Pour faciliter l’examen du contexte, le Conseil distingue les lieux d’implantation  :
  • dans les bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public, une crèche de Noël ne peut pas être installée, sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ;
  • dans les autres emplacements publics, compte tenu du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, l’installation d’une crèche de Noël est légale, sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse.

Par conséquent, le Conseil casse les deux arrêts qui lui étaient soumis, l’un qui avait jugé que le principe de neutralité interdisait toute installation de crèche de Noël, l’autre qui ne s’était pas prononcé sur l’ensemble des critères.

Liens vers les décisions :




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci pour votre commentaire et votre participation à cette conversation. Votre message sera mis en ligne après modération.
Cordialement,
Marc Guidoni