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lundi 1 juillet 2024

Neutralité des élus : des précisions utiles

 
La loi du 24 août 2021 a précisé le cadre dans lequel il était attendu des élus de la République le respect du principe de neutralité :


« pour les attributions qu'ils exercent au nom de l'Etat, le maire ainsi que les adjoints et les membres du conseil municipal agissant par délégation du maire dans les conditions fixées à l'article L. 2122-18 sont tenus à l'obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité »

Principe de référence de l’action des fonctionnaires, et désormais de toute personne agissant dans le cadre d’un service public, la neutralité est le fait de ne pas, par un comportement, propos ou tenue vestimentaire, manifester ses convictions religieuses. Le but du principe est de faire en sorte que l’usager ne puisse douter de la neutralité du service, condition nécessaire du pacte républicain (Conseil d’Etat, 8 décembre 1948, Dlle Pasteau et 3 mai 1950, Dlle Jamet).

Le Tribunal administratif de Grenoble, à l’occasion de l’examen de la légalité du règlement intérieur du conseil municipal de Voiron, vient lui de rappeler que la liberté des élus municipaux d'exprimer leurs convictions religieuses ne peut être encadrée que sur le fondement de dispositions législatives particulières prévues à cet effet.

Le règlement intérieur prévoyait : " Une tenue vestimentaire correcte et ne faisant pas entrave au principe de laïcité est exigée des élus siégeant au conseil municipal.". Contrairement à ce que la commune faisait valoir, ces dispositions avaient « pour effet, si ce n'est pour objet, d'interdire, de manière générale, aux élus siégeant au conseil municipal de porter une tenue vestimentaire manifestant leur appartenance à une religion.»

Ainsi le TA de conclure que le dernier alinéa de l'article 15 du règlement intérieur relatif à la police de l'assemblée était illégal, « en tant qu'il interdit, de manière générale, aux élus siégeant au conseil municipal de porter une tenue vestimentaire manifestant leur appartenance à une religion ».

Référence : Tribunal administratif de Grenoble, 7ème Chambre, 7 juin 2024, 2100262

Pour un aperçu plus général sur la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 24 août 2021, lire sur ce blog : Loi du 24 août 2021 : Où en est le respect du principe de laïcité ?

dimanche 23 juin 2024

Loi du 24 août 2021 : où en est le respect de la laïcité ?


Lancé le 9 décembre 2020 par le Gouvernement, le vaste projet d’actualisation et de renforcement de la laïcité et des valeurs de la République s’est conclu par le vote de la loi du 24 août 2021. Le texte amende ou complète de nombreuses dispositions, dont une part non négligeable concerne les collectivités territoriales, leurs activités et leurs partenaires.

On découvre ainsi dans un communiqué de presse du Gouvernement daté du 28 décembre 2021, que le législateur a entendu fixer « de nouvelles frontières à la laïcité [qui] s’applique désormais dans tous les organismes chargés d’une mission de service public quel que soit leur statut et est étendue aux entreprises délégataires telles que les sociétés de transport urbain. ».

Cette loi a eu par ailleurs pour objectif de s’assurer que les associations percevant des subventions respectent bien les principes républicains, mais aussi à contrôler davantage l’enseignement à domicile, ou bien encore à encadrer les constructions de lieux de culte, lutter contre les mariages forcés et les discours de haine et illicites en ligne.

Voici une sélection de ces mesures, dont l'application se précise, peu à peu.

-       Obligation de formation des agents publics

-       Prestation de serment

-       Obligation d’instaurer la fonction de « référent laïcité »

-       Organisation de la « journée de la Laïcité »

 La formation au principe de laïcité pour les fonctionnaires est depuis août 2021 inscrite dans la loi de 1983. A ce jour, un demi-million d’agents publics auraient été formés, dont 350 000 dans l’Education Nationale (source rapport parlementaire, pas de données agrégées pour les collectivités territoriales). Au niveau de l’État se conjuguent une formation « pour tous » de deux heures à distance avec des formations plus spécifiques pour les agents en relation avec le public. L’objectif de former l’ensemble des personnes contribuant au service public d’ici 2025 ne sera pas atteint.

3 catégories de fonctionnaires sont désormais concernées par une prestation de serment solennelle (« servir avec dignité et loyauté la République, ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité et sa Constitution ») préalable à la prise de fonction. Il s’agit de tous les agents de la police nationale, de la police municipale et de l’administration pénitentiaire.

dimanche 26 juin 2022

Respect des principes de la République : présentation de la loi du 24 août 2021 (mise à jour 27 juin 2022)


Lancé le 9 déc
embre 2021 par le Gouvernement, le vaste projet d’actualisation et de renforcement de la laïcité et des valeurs de la République s’est conclu par le vote de la loi du 24 août 2021. Le texte amende ou complète de nombreuses dispositions, dont une part non négligeable concerne les collectivités territoriales, leurs activités et leurs partenaires.

S’il le fallait encore, un communiqué de presse du gouvernement daté du 28 décembre 2021 vient confirmer les intentions du législateur pour le « renforcement du respect des principes républicaines » : « La loi fixe ainsi de nouvelles frontières à la laïcité et s’applique désormais dans tous les organismes chargés d’une mission de service public quel que soit leur statut et est étendue aux entreprises délégataires telles que les sociétés de transport urbain. ».

dimanche 14 novembre 2021

Loi du 24 août 2021 confortant les principes républicains : un décryptage

Lancé le 9 décembre 2021 par le Gouvernement, le vaste projet d’actualisation et de renforcement de la laïcité et des valeurs de la République s’est conclu par le vote de la loi du 24 août 2021. Le texte amende ou complète de nombreuses dispositions, dont une part non négligeable concerne les collectivités territoriales, leurs activités et leurs partenaires.

Cette loi a notamment pour objectif de renforcer la neutralité et la laïcité des services publics. Elle vise également à s’assurer que les associations percevant des subventions respectent bien les principes républicains, mais aussi à contrôler davantage l’enseignement à domicile, ou bien encore à encadrer les constructions de lieux de culte, lutter contre les mariages forcés et les discours de haine et illicites en ligne. Voici une sélection de ces mesures… 

jeudi 11 avril 2019

Laïcité et couvre-chefs : est-ce qu'on est tête nue si on porte une perruque ?

Bonjour,
Dans le cas pratique présenté du Sikh qui ne veut pas se découvrir, que penser des perruques lorsqu'elles sont un couvre-chef ? Certaines femmes juives ne voulant pas montrer leurs cheveux portent une perruque par-dessus leur chevelure naturelle. Par ailleurs, une femme sous chimio dont la calvitie n'est pas naturelle peut être amenée à porter une perruque pour se couvrir, ou un foulard. Il peut être humiliant pour elle non seulement de l'ôter mais encore d'avoir en résultat final des documents d'identité la représentant sans cheveux. Quelle réaction donc avoir, d'autant qu'il est possible aussi de ne pas voir qu'on est face à une perruque, faisant ainsi qu'on acceptera de certains un couvre-chef (la perruque) alors qu'il sera refusé à d'autres (le turban Sikh) ce qui n'est pas égalitaire ?

Le cas pratique de la formation que vous évoquez s'appuie sur la jurisprudence administrative et précisément sur la décision Conseil d’Etat 15 décembre 2006 Association United Sikkhs et Mann Singh, à propos de l'obligation d'apparaître tête nue sur permis de conduire. Éventuellement on pourra consulter aussi Conseil d'Etat 27 juillet 2001, Fonds de défense des musulmans en justice dans lequel une association attaquait le décret de 1999 instaurant l'obligation "Sont ( ...) produites à l'appui de la demande de carte nationale d'identité deux photographies de face, tête nue, de format 3,5 x 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes". 

La position de principe du juge est simple : nul ne peut se prévaloir de son culte pour refuser d'appliquer la loi commune. C'est le principe d'égalité de tous devant la loi, l'objectif même de la laïcité. Ainsi personne ne peut être dispensé de figurer tête nue sur la photographie destinée à établir sa pièce d'identité.

Il ne nous semble pas que le principe s'applique à la perruque dans les conditions de port que vous suggérez, puisqu'elle ne saurait constituer un "postiche", destiné à empêcher d'établir l'identité, mais une prothèse.

lundi 8 avril 2019

Neutralité des fonctionnaires : travail le samedi et shabbat

Encore une question de terrain avec la neutralité des fonctionnaires.

Un agent dont la fiche de poste précise que ponctuellement il peut être amené à travailler le samedi, le refuse pour ne pas rompre shabbat. Pour sa hiérarchie, accepter cette position romprait l'égalité de traitement entre tous les agents disposant de la même fiche de poste et poserait donc un problème managérial. Quelle position adopter ? Merci

C’est ici une question de conciliation entre la liberté de culte et les nécessités de fonctionnement du service. (Conseil d'Etat, du 16 février 2004, 264314 pour un gardien d’immeuble demandant un changement d’horaire pour pratiquer son culte les vendredis après-midi de 14h00 à 15h00) .

Si la fiche de poste précise que l’agent peut être appelé à travailler le samedi (la rédaction de cette contrainte est importante en cas de contentieux), ce dernier ne peut opposer un refus catégorique à tout travail le samedi, en cas de nécessité pour le fonctionnement du service. Le chef de service peut également réglementer les modalités de travail le samedi (définir un roulement) ce qui permettra de caractériser plus facilement le refus et l’absence de discrimination religieuse

En cas de refus de l’agent, outre le service non fait, c’est un manquement au devoir d’obéissance passible d’une sanction. Sanction du premier groupe, puis en cas de récidive, sanction plus forte.
Avant d’en arriver à ce stade, des solutions managériales peuvent être recherchées en fonction de l’organisation du service.

Enfin, ce n'est pas au nom de la laïcité que la sanction est posée, mais au nom de son obligation de respecter sa fiche de poste. Il faut garder à l'esprit que des autorisations d'absences pour les fêtes religieuses sont validées. C'est bien la manifestation par l'agent de ses opinions religieuses. Dans la mesure où le cas exposé le permet, il semble plus sage de ne pas partir sur le terrain de la laïcité...

vendredi 5 avril 2019

Neutralité des fonctionnaires : fonds d'écran ordinateur, tiroirs et signe religieux

Nouvelle question "terrain" remontée d'une récente formation sur le thème laïcité.

Dans le cadre de la stricte neutralité des agents et/ou personnels exerçant une mission de service public : est-ce que l'interdiction de signes, même discrets, dans l'espace bureau et banque d'accueil s'applique pour les fonds d'écrans d'ordinateurs ? Je pense que oui. Pouvez-vous me le confirmer ? Ainsi que le fait que signes religieux ne doivent pas être visibles dans un espace bureau par les collègues ? Est-ce que cela s'applique à l'intérieur des tiroirs où le signe, l'image religieuse peuvent être vus occasionnellement ? (que ce soit par les usagers ou les collègues ?) Mes questions semblent un peu entrer dans le détail mais ce sont des situations concrètes auxquelles nous pouvons être confrontés.

L’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifié par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dispose que :

«Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. »

Ainsi, tout signe relatif à une religion quelle qu’elle soit, est interdit sur le lieu de travail : (affiches, images, objets, voire musique même en sourdine). Cette interdiction s’applique au lieu de travail mais aussi au temps de travail ; par extension, l’image religieuse ou l’objet de culte au fond d’un tiroir pourrait être interdit à double titre, d’une part parce qu’il peut être vu et d’autre part parce qu’il est susceptible d’être utilisé pendant le temps de travail.

En revanche nul ne peut interdire la prière en son for intérieur...

samedi 23 mars 2019

Lieux publics : neutralité ou laïcité

Nouvelle question posée par un internaute sur le sujet "laïcité" : Peut-on avoir des précisions sur la question 6 du quiz de la séance de cette semaine : "En France, un lieu ouvert au public, comme un cinéma ou une boutique, doit être impérativement neutre (sans emblème religieux)." Merci.

L'affirmation proposée dans le quiz VRAI/FAUX est bien fausse. Il est possible que votre hésitation provienne d’une confusion autour du sens de l’adjectif public, ainsi que d’une idée reçue à la vie dure qui fait de la religion une « affaire privée ». Il ne faut donc pas confondre lieu public privé (ouvert au public) et lieu public administratif (espace de réalisation du service public).

En effet, dans notre pays, le principe de base est la liberté d’exprimer ses opinions, même religieuses, sous réserve de ne pas troubler l’ordre public établi par la loi. Il faudrait donc impérativement une loi pour limiter précisément le droit d’apposer un signe religieux dans un lieu ouvert au public. Ainsi, regardons du côté de la loi…

Premièrement, la loi de 1905. Selon sa lettre, le principe de neutralité de l’Etat s’applique non seulement aux agents du service public, mais aussi : « il est interdit à l’avenir d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions. » La jurisprudence administrative, autant sur des signes religieux que politiques, confirme la nécessité d’avoir des bâtiments publics neutres. Pour autant, l’expression bâtiment public» désigne-t-elle l’ensemble des lieux ouverts au public ?

Deuxièmement, la loi du 11 octobre 2010, connue pour avoir interdit la « dissimulation du visage dans l’espace public », va nous permettre de clarifier la situation. En définissant l’espace public, la loi nous fait distinguer en réalité 4 espaces, dont les frontières ne sont pourtant pas toujours évidentes :
L’espace privé, qui est celui du domicile
L’espace social, qui est celui de l’entreprise
L’espace administratif, qui est celui des services publics
L’espace partagé, commun à tous, constitué par exemple de la rue ou de la place, du jardin public…

Ces 4 catégories distinguées nous font découvrir deux sortes de lieux recevant du public, dont le régime diffère. Dans l’espace administratif (qu’il soit celui de l’Etat ou d’une personne privée chargée d’une mission de service public), la neutralité s’impose pour les agents et les bâtiments, au nom de l’égalité des citoyens, quelle que soit leur croyance, devant le service public. Dans l’espace social, qui est constitué aussi de lieux ouverts au public, c’est la libre manifestation qui est garantie, sous réserve de la bonne marche de l’entreprise.

Ainsi, un commerce, une salle de spectacle privée, n’importe quel lieu ouvert au public exploité par une personne privée qui ne serait pas chargée explicitement d’une mission de service public, peut ainsi comporter un emblème religieux.


jeudi 21 mars 2019

Education : la loi Debré est-elle compatible avec la loi 1905 ?

Dans le cadre de mes missions de formateur "laïcité", il m'arrive d'être saisi de questions orientées. Il en est ainsi de la suivante, sans doute mise au goût du jour par les conséquences de l'abaissement  de l'âge de la scolarité à 3 ans. En filigrane, l'abrogation de la loi Debré et le slogan "école publique fonds publics, école privée fonds privés". Le texte de la question est laissé tel que présenté par son auteur.

La Loi Debré, qui stipule que l’État doit subvenir aux frais de fonctionnement des établissements privés qui remplissent une mission de service public et ont signé un contrat avec lui, est manifestement en contradiction avec l’article 2 de la Loi de 1905 d'autant plus que l'enseignement privé (presque exclusivement catholique) revendique  l’expression de son caractère propre fondé sur la foi et la culture chrétienne et n'est pas assujetti à la loi de 2004 sur les signes religieux.
La très chrétienne Italie ne se révèle-t-elle pas concrètement plus laïque que la très sécularisée France quand elle réserve les fonds publics exclusivement à la seule école publique ?


Cher Monsieur, votre question relève d’une longue querelle, autour du principe d’un grand service public unifié de l’éducation nationale.

Actuellement, le service public de l’enseignement n’est pas uniquement porté par l’école publique, mais bien composé, avec d’un côté un acteur d’Etat (l’Education Nationale) et de l’autres de nombreux acteurs privés : les établissements privés sous contrat d’association avec l’Etat. C’est le sens de la loi Debré, qui concerne les établissements privés dans leur ensemble et non les seuls établissements catholiques : l’association à l’État traduit la volonté des établissements privés de participer au service public d’éducation.

« Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus ci-dessous, l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyances y ont accès. »
(art. 1 loi Debré)

La loi laisse à chaque établissement privé le soin de définir son « caractère propre ». Celui de l’Enseignement Catholique a été exprimé en 1969 par les évêques de France : « lier dans le même temps et dans le même acte l’acquisition du savoir, la formation de la liberté et l’éducation de la foi : proposer la découverte du monde et le sens de l’existence ».

En pratique, conformément à la loi, les programmes d’enseignement des écoles catholiques sous contrat d’association avec l’Etat sont ceux de l’Education Nationale, l’enseignement religieux n’y est pas obligatoire et les enfants ne partageant pas la religion de l’établissement ne peuvent pas être refusés. Ces engagements assurés et contrôlés, l’enseignement "est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat. (…) Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public." (a. L442-5 code de l’éducation).

Nous vous confirmons en outre que les établissements privés sous contrat sont exclus du champ d'application de l’article L141-5-1 sur le port des signes religieux, qui est destiné aux établissements publics. Les établissements sont donc libres d'accepter ces signes ou d'en réglementer le port sans contrevenir à la loi Debré (conformité d’une telle interdiction dans un arrêt de la Cour de cassation datant de 2005 qui confirme que la mesure figurant au règlement intérieur d’un établissement privé sous contrat d’association relevait « de l'organisation scolaire et du projet éducatif propre du collège sans violer pour autant son obligation d'accueillir les enfants en dehors de toute distinction d'origine, d'opinion ou de croyance »).

L'illustration provient d'AGORAVOX

jeudi 6 décembre 2018

Réformer pour mieux contrôler : à propos du projet de rénovation de la loi 1905

Le gouvernement vient d’annoncer son intention d’apporter une nouvelle mise à jour à un texte que beaucoup de défenseurs de la laïcité considèrent comme sacré. Faisons le point…

La loi de 1905, œuvre pacificatrice

Après une histoire tumultueuse, le but de la loi du 9 décembre 1905 était pacifier la société en réglant une fois pour toute la situation des cultes religieux en France, et notamment leur relation à la République. Pour y parvenir, la décision fut de couper brutalement les liens entre l’Etat et les cultes qu’il organisait depuis le Concordat. Et d’appliquer à l’avenir cette logique séparatiste à tous les mouvements religieux.

La loi de 1905 est réalité un édifice complexe. Réformée à plusieurs reprises, elle a pour fonction de rappeler les principes qui composent la laïcité française : la séparation des églises et de l’Etat et la liberté de conscience. Mais elle règle aussi les conséquences pratiques de la fin du Concordat au moment de sa promulgation. La jurisprudence récente du Conseil d’Etat a tout récemment mis en lumière certains de ses articles, portant des mesures d’apparence désuète, et qui ont trouvé un nouvel écho dans des pratiques territoriales variées (crèches de Noël, travaux sur des édifices publics, statues, portails de cimetières…).

Les axes de réforme

Le projet de révision de la loi de 1905 ne consiste pas à porter atteinte aux principes de base de la laïcité : séparation, non reconnaissance et non financement des cultes. Dans un contexte de développement de nouvelles croyances, qui n’empruntent pas les formes des cultes historiques, il s’agirait d’intervenir sur deux aspects techniques, qui restent sensibles : le régime spécifique des associations cultuelles (art. 18 à 24) et la police des cultes (art. 25 à 36).

Comme le laissent entendre les journaux, les principales organisations concernées par ces évolutions relèvent du culte musulman. Mais les associations évangéliques, dont la croissance est soutenue (création d’une église tous les 10 jours !), pourraient être tout aussi bien directement concernées.

La police des cultes

Fidèles lecteurs, vous savez que la religion ne relève pas des « affaires privées », puisqu’elle se pratique collectivement dans espaces publics. Il revient donc à l’Etat, par le biais de la police administrative, de veiller à ce que les pratiques religieuses ne remettent pas en cause la vie sociale paisible et sereine que définit le concept d’ordre public.

Selon un premier axe, cette police consiste principalement aujourd'hui à protéger les pratiques cultuelles (réunions religieuses, processions mais aussi sonnerie de cloches ou ouverture/fermeture… c’est le maire qui, en bonne intelligence avec le culte affectataire des lieux, qui règle nombre de situations).

Mais la loi de 1905, dans son contexte historique de peur du retour de la monarchie, avait prévu un deuxième axe, consistant à sanctionner les discours qui incitent à résister à l’exécution des lois ou à soulever une partie des citoyens contre les autres. Au regard de situations de crise rencontrées ces dernières années sinon ces derniers mois, le projet gouvernemental entend donc renforcer les mesures toujours présentes dans le texte, à l’évidence pour lutter contre les prédicateurs incitant à la haine. Ce qui ne sera pas évident...
Les « fuites » sur le projet de loi évoquent aussi un contrôle des délibérations des organes d’administration des associations, dans le but de limiter l’influence de courants radicaux voire leur prise de pouvoir dans la gestion de certains lieux de culte.

Troisième axe, les flux et le contrôle financiers. Le contrôle financier existant serait renforcé (déclaration des dons), pour permettre de tracer les apports venant de l’étranger qui seraient par ailleurs plafonnés.

On ne peut s’empêcher de relier cette évolution aux dispositions diverses antiterroristes, qu’il s’agisse de mesures de police administrative ou de sanctions pénales.

Le régime des associations cultuelles

Pour régler les conséquences de la séparation (suppression des établissements publics et fabriques nées du Concordat, devenir du patrimoine religieux relevant des personnes publiques, gestion des cimetières…), la loi de 1905 organise une catégorie spéciale de personnes morales dédiée à la matière religieuse : « Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte ».

Techniquement, ces associations sont régies par la loi générale du 1er juillet 1901, mais en outre, leurs statuts doivent contenir des dispositions très précises en matière de comptabilité et de tenue d'une assemblée générale annuelle. Par ailleurs, cette gestion peut être soumise au contrôle financier des services publics. En réalité, et encore aujourd’hui, toute association peut, lors de sa création, se déclarer comme association cultuelle, sans forcément remplir ces obligations. En effet, elle ne bascule sous le régime 1905 (avantages fiscaux, libéralités…) qu’une fois une déclaration réalisée auprès de l’autorité administrative.

L’évolution proposée par le gouvernement prend en considération le fait que de nombreux cultes fonctionnent par le biais d’associations loi 1901 « simples », échappant ainsi aux vérifications. Pour parvenir à mieux contrôler ces structures, deux démarches sont donc suggérées.

En premier lieu, remplacer la déclaration par une sorte de « label ». Toute association déclarée ayant pour objet le culte se verrait attribuer la « qualité cultuelle », avec les obligations de transparence associées. A priori, cette « qualité cultuelle » serait donnée pour une durée de 5 ans, avec une procédure de renouvellement. Elle pourrait surtout être retirée à tout moment, entraînant l’illégalité des opérations réalisées par l’association. 

En second lieu, l’idée est d’élargir la définition de l’objet cultuel à la construction et l’entretien de bâtiments et à la formation, aux salaires et à la retraite des ministres du culte et à l’enseignement religieux. Ainsi les cultes pourraient-ils recevoir des revenus locatifs, ou encore des subventions affectées, par exemple pour des rénovations énergétiques. Cette évolution, en forme de compensation, permettrait en outre, par la diversification des ressources des associations cultuelles, de limiter encore les influences étrangères.


De nombreuses associations du mouvement laïque contestent toute idée de réforme de la loi de 1905. Sur ce projet-là, les unes considèrent que l’Etat, qui cherche à organiser l’islam de France, emprunte une voie dangereuse, contraire à l’idée de séparation. Les autres analysent les avantages fiscaux comme une entorse à la règle du non financement des cultes.

Sans prédire le pire, et comme le dit la sagesse populaire… l’enfer est pavé de bonnes intentions.

lundi 12 novembre 2018

Voile intégral, religions et liberté


Vous avez sans doute entendu parler d’une décision du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies présentée partout comme un nouveau rebond de l’affaire Babyloup. Il y a quelques jours, la presse s’est de nouveau fait l’écho d’un autre rapport de l’institution onusienne, épinglant une nouvelle fois la France pour « atteinte à la liberté religieuse ».

Selon ces experts, l’interdiction du port du voile intégral et les limites possibles au port d’un signe religieux au travail conduisent la France à violer la liberté des croyants.

Nous pourrions balayer d’un revers de main les avis de ce Comité onusien. Ils ne représentent ni de véritables sanctions ni de réelles condamnations au sens où l’entendent ceux qui les ont obtenus. Les mesures visées ont par ailleurs donné lieu à des validations régulières, tant des juges nationaux que de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. C’est solide.

A vrai dire, ces 2 avis posent d’autres questions. Dans un contexte international favorable aux libertés individuelles, il semble que des ennemis de la démocratie instrumentalisent à nos dépends notre culture des droits de l’Homme. L'enjeu ? Une forme de séparatisme, non pas régional mais idéologique.

Alors, l’interdiction du voile intégral est-elle réellement juste ? La laïcité est-elle une protection insuffisante contre le terrorisme ? Faut-il interdire le salafisme ? Reste-t-il une place pour la vision française de la démocratie républicaine, pour l’intérêt général, la responsabilité sociale et au-delà… le bien commun ?

A propos de la loi d’octobre 2010 sur la dissimulation du visage

La presse internationale parle, sans véritablement la saluer, de « décision historique contre la France ». Aux yeux des observateurs anglo-saxons, les constatations du Comité des Nations Unis anéantissent le principe de laïcité, notamment en ce qu’il aurait conduit au vote de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Or, cette loi n’est nullement fondée sur la laïcité. Ce que défend la loi par l’interdiction qu’elle édicte, c’est notre attachement à la Nation, à un modèle social fondé sur la dignité de la personne humaine…

« Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Par cette proclamation assez solennelle, la loi entendait rappeler que la dissimulation volontaire et systématique du visage est tout simplement contraire aux exigences fondamentales du vivre ensemble, contraire à l’idéal de fraternité. Une telle pratique ne satisfait pas davantage à l'exigence minimale de civilité nécessaire à la relation sociale. Le législateur ne cache pas qu’il vise en particulier le voile intégral. Ainsi l’exposé des motifs de la loi (lire ici), défend-il que le voile intégral, « porté par les seules femmes » constitue une « atteinte à la dignité de la personne[et] va de pair avec la manifestation publique d'un refus ostensible de l'égalité entre les hommes et les femmes » ; « il ne s'agit pas seulement de la dignité de la personne ainsi recluse, mais également de celle des personnes qui partagent avec elle l'espace public et se voient traitées comme des personnes dont on doit se protéger par le refus de tout échange, même seulement visuel. »

Après, ne nions pas que cette loi est sans impact sur notre pratique de la liberté religieuse. En France, exprimer ses convictions, même religieuses, est libre, dans la mesure où leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. Dès lors, le vote de la loi de 2010 a pour conséquence il est vrai de limiter la liberté de porter le voile intégral. La liberté religieuse cède devant l’ordre public, car la laïcité garantit l’égalité de tous devant la loi, quelles que soient les convictions.

De ce fait, les juges européens ont reconnu cette interdiction générale (non exclusive du voile intégral) comme l’une des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou encore à la protection des droits et libertés d’autrui. Elle constitue ainsi une limite acceptable à une liberté individuelle. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2010, 2000 femmes portant un niqab ont fait l’objet d’une contravention. Mais l’arrestation toute récente du braqueur en cavale Redouane Faid, caché sous un niqab, n’a pas manqué de faire sourire les spécialistes : cette exemple prouve qu’il n’est pas systématiquement question d’exercice de la liberté de religion !

La France, le voile intégral, la liberté de religion et la lutte contre le terrorisme

Beaucoup de gens demandent dans quelle mesure le Coran demande aux femmes de se voiler. Les interprétations des uns valent celles des autres. A notre niveau, ce qui importe, c’est de savoir et de bien mesurer que le port d’un voile intégral par les femmes est un marqueur de pratiques religieuses rigoristes, pratiques qui caractérisent les courants salafistes présents en France. Et ces mouvements eux-mêmes ne sont pas unifiés.

Les spécialistes distinguent 3 formes de salafisme. D’abord l’approche « piétiste » (ou salafisme quiétiste), dont les adeptes demandent a priori à vivre pacifiquement en France selon les préceptes de leur religion. Ces personnes sont souvent tancées et instrumentalisées par un deuxième courant connu à travers les « Frères musulmans » qui recherchent le pouvoir par les voies démocratiques. Très revendicatif, notamment contre la laïcité présentée comme principe antimusulman, ce courant politique est à l’origine de nombreuses actions en justice pour discrimination. Leurs victoires contre des mesures considérées comme discriminant les musulmans (burkini, menus à la cantine et autres) nous sont bien connues. Enfin, il existe un salafisme révolutionnaire, qui entend lui prendre le pouvoir et imposer la Charia à n’importe quel prix, je vous laisse faire le lien, il ne s’exprime pas dans les urnes.

Le port du voile, et du voile intégral, justifié au nom de la liberté religieuse donne à voir, parmi d’autres revendications, le poids de ces courants dans les villes françaises. De fait, bien que souvent mal comprise, la laïcité permet de manifester librement sa religion. Les salafistes utilisent cette liberté pour interroger notre modèle social et provoquer des discriminations qui renforcent leurs droits. C’est ainsi qu’a été saisi le Comité des Nations Unies. Des voix s’élèvent alors pour limiter non pas les pratiques rigoristes de ce mouvement, mais directement d’interdire le salafisme pour ce qu’il est. C’est dans ce but que l’on parle de réforme de la laïcité. Or la laïcité est d’abord une liberté…

En effet, il est dans l’état du droit impossible d’intervenir sans constater des infractions ou au minimum des troubles à l’ordre public. La liberté de culte est première. Il n’y a possibilité d’action pour l’Etat que lorsque le trouble à l’ordre public est avéré, ou que des actions relevant d’infractions pénales sont constatées. Ainsi peut-on verbaliser les femmes portant le niqab, ou encore fermer des lieux de cultes recevant des prédicateurs extrémistes, eux-mêmes expulsés s’ils étaient étrangers. Succédant à l’état d’urgence, la loi SILT a ajouté quelques mesures de police administrative qui confortent ces pratiques (cf. aussi fermeture récente mosquée de Grande-Synthe confirmée par le Tribunal Administratif). Mais pas interdire un groupe religieux.

De la pratique complexe de la liberté

En France, la liberté se définit comme une responsabilité sociale : elle consiste en un pouvoir d’agir limité par, en quelque sorte, la conscience de l’autre. Face à la liberté individuelle, la République proclame que la liberté est de faire ce qui ne nuit pas à autrui. La loi ne peut ainsi interdire que ce qui nuit. Et on est libre ainsi, si l’on applique la loi, cadre de vie donné au peuple par le peuple.

La loi de 2010 interdisant la burqa est ainsi fidèle à cette vision de la liberté. On ne peut pas faire ce qu’on veut dans notre République, au mépris de toute convenance sociale et du respect des autres. Limiter une liberté individuelle est possible, au nom de notre « ordre public », cette notion juridique qui caractérise une vie sociale paisible et sereine.

Dans les pays anglo-saxons, c’est la liberté individuelle qui prime. Avec des conséquences pratiques très différentes : campagnes publicitaires où le voile est porté dès le plus jeune âge, dans les pratiques sportives, au travail…

Dans les pays autoritaires, que l’on retrouve parmi les défenseurs de la liberté religieuse, être libre signifie pourtant aussi appliquer la loi… à la seule différence qu’elle n’est pas le produit d’un geste démocratique, mais qu’elle s’impose à tous car venue de Dieu, ou proclamée par des hommes qui se prétendent inspirés par Dieu.

C’est de ce point de vue-là le message même des fondamentalistes religieux. Pour eux, la République elle-même est en quelque sorte le grand Satan : elle conduit à attribuer au peuple un pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu, faisant de toute personne acceptant la situation un horrible associateur, coupable selon le Coran du plus grave des crimes. Ainsi se justifie de fuir la France pour vivre dans un pays musulman, ou de prendre les armes.

Alors c’est vrai, la laïcité, en ce qu’elle permet d’abord d’exprimer librement ses convictions religieuses, apparaît comme un principe faible face à la menace que représente finalement cet absolutisme de la liberté. Et ceux qui la défendent, comme moi, sont souvent qualifiés de doux dingues. Mais ceux-là se trompent. Ce n’est finalement pas la laïcité qui est le principe le plus menacé dans l’histoire. Ce qui est menacé, c’est la liberté, la démocratie, l’intérêt général… et à travers eux notre conception même de la vie sociale, au-delà de l’expression des convictions religieuses. Mais pour ça, encore faut-il que la République s’honore de compter, parmi ses citoyens, des femmes et des hommes qui pensent que leur vie a plus de valeur que le temps qu’ils ou elles passent sur cette terre. Ces personnes ont en commun d’être croyants, et ils ont, aujourd’hui comme hier, un rôle important à jouer pour sauvegarder l’essentiel.

mercredi 31 octobre 2018

Laïcité : tout est bon dans le cochon !

Tout est bon dans le cochon. Vieille rengaine, peut compatible avec les prescriptions bibliques ou coraniques disant aux croyants concernés qu'ils doivent avoir cet animal en horreur.

Enfin, ce qui est bon surtout, c’est de rappeler les essentiels dans ce combat que mènent plusieurs élus de tous bords contre l’offre de choix à la cantine… la seule qui permet à tous les enfants de la République de se réunir autour du repas de leur journée d’école.

La restauration scolaire est un service public facultatif

Les deux dernières décisions de la Cour administrative d’appel de Lyon le rappelle, la restauration scolaire relève bien de la catégorie des services publics facultatifs.

En conséquence, il est vrai que le Conseil Municipal est libre de créer, d’organiser selon ses moyens, voire de supprimer la restauration scolaire. Il s’agit bel et bien d’un choix politique, porté par une majorité municipale en réponse à un intérêt public local.

mardi 10 juillet 2018

Laïcité : se former, c'est mieux pour en parler !

Le 24 septembre débute la seconde session du MOOC "Les clés de la laïcité" que j'ai le plaisir d'animer parmi une belle équipe de spécialistes pour le CNFPT. Vous pouvez vous inscrire dès à présent pour suivre le cours et participer aux échanges (par ici). Si vous pensez que c'est inutile, testez-vous avec le questionnaire ci-dessous, et on en reparle !

mercredi 30 mai 2018

La laïcité fait-elle de l'Etat l'ennemi des religions ?

J’ai eu le plaisir, il y a quelques jours de faire un tour en Moselle, pays de Concordat, et à l’invitation d’une association de jeunesse catholique (lire ici). Vous savez mes repères, aussi me suis-je éloigné de la neutralité liée habituellement à mon cadre d’intervention, pour interroger mes propres discours à travers des arrière-pensées que j’ai prêté aux fidèles. Voici le conducteur de cette intervention, dont je me suis maintes fois éloigné…

La laïcité fait-elle de l’Etat l’ennemi des religions ?

Quelle drôle de question ! Ou plutôt ; comment ai-je pu me laisser convaincre de venir à Metz répondre à cette question, dans une plage horaire assez large pour être apostrophé, interpellé, voire contredit, sinon détesté. Et je me suis rappelé que, bien que juriste et aimant apporter des réponses aux questions que l’on me pose, le contexte de notre rencontre pouvait me permettre de répondre à la question-titre par une autre question. Sinon plusieurs.

mardi 10 avril 2018

L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle. A propos du discours d'Emmanuel Macron aux Bernardins

"L'Etat chez lui, l'Eglise chez elle !" Par ce trait d’Hugo, que souvent me rappelle un ami poète azuréen, nous pourrions semble-t-il nous joindre aux hauts cris de ceux qui contestent au Président Macron le droit de s’être adressé, hier soir, à une assemblée réunie par les évêques de France.

Mais en réalité l’Etat est partout chez lui, comme il le montre par ailleurs, hasard du calendrier, en envoyant la maréchaussée dégager Notre-Dame-des-Landes qui, malgré son nom, n’est pas une chapelle. Et s’il est partout chez lui, il semble possible qu’il s’adresse à quiconque lui donne la parole, si tant est qu’il ait besoin d’une autorisation de la prendre...

samedi 24 mars 2018

Tatouages, barbes et laïcité

Avec le "boom du tattoo" observé chez les jeunes (près de 25% des - de 35 ans s'avouent tatoués), la question du port d'un signe religieux sur la peau m'est souvent posée en formation. Qu'en serait-il alors pour le fonctionnaire, dont le tatouage religieux visible paraît peu compatible avec le principe de neutralité. Nous avons un embryon de réponse avec une récente instruction de la Direction général de la Police Nationale, même si elle ne vaut que pour les fonctionnaires concernés.

Quant au port de la barbe, et même s'il s'agit d'un cas d'espèce très particulier, une décision de la CAA de Versailles apporte des éléments de réflexion qui pourront être utiles.

Instruction de la Direction générale de la Police Nationale du 12 janvier 2018 relative au port des tatouages, barbes et moustaches, bijoux ou accessoires de mode par les personnels affectés dans les services de la police nationale (NOR: INTC1801913J).
On y apprend que "les tatouages, qu’ils soient permanents ou provisoires, ne sauraient être admis dès lors qu’ils constituent un signe manifeste d’appartenance à une organisation politique, syndicale, confessionnelle ou associative ou s’ils portent atteinte aux valeurs fondamentales de la Nation. Il en est de même s’agissant de tout élément, signe ou insigne ostentatoire de même nature qui serait porté par la personne. Les tatouages visibles du public, qui n’entrent pas dans la catégorie précédente, ne doivent pas dénaturer ou compromettre la relation du policier avec les usagers. Le cas échéant, ce tatouage sera masqué quelle que soit sa tenue, lorsque le policier est en contact avec le public ou lorsqu’il est en tenue d’uniforme. Par ailleurs, la coupe de cheveux, les moustaches ou la barbe doivent demeurer courtes, soignées et entretenues, sans fantaisie (…)." 

Cour administrative d’appel de Versailles 19 décembre 2017
Validation de la résiliation de la convention avec un stagiaire égyptien portant une barbe particulièrement imposante, accueilli par un centre hospitalier, ayant fait l’objet d’une mesure disciplinaire prise par le directeur de l’établissement public devant son refus de la tailler.

« Considérant que le port d’une barbe, même longue, ne saurait à lui seul constituer un signe d’appartenance religieuse en dehors d’éléments justifiant qu’il représente effectivement, dans les circonstances propres à l’espèce, la manifestation d’une revendication ou d’une appartenance religieuse ; qu’en l’espèce, la direction du centre hospitalier, après avoir indiqué à M. A...que sa barbe, très imposante, était perçue par les membres du personnel comme un signe d’appartenance religieuse et que l’environnement multiculturel de l’établissement rendait l’application des principes de neutralité et de laïcité du service public d’autant plus importante, lui a demandé de tailler sa barbe afin qu’elle ne soit plus de nature à manifester, de façon ostentatoire, une appartenance religieuse ; que les demandes formulées par le centre hospitalier auprès de M. A...étaient justifiées par la nécessité d’assurer, par l’ensemble du personnel, le respect de leurs obligations en matière de neutralité religieuse ; qu’en réponse à ces demandes, M. A...s’est borné à invoquer le respect de sa vie privée sans pour autant nier que son apparence physique était de nature à manifester ostensiblement un engagement religieux ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant manqué à ses obligations au regard du respect de la laïcité et du principe de neutralité du service public, alors même que le port de sa barbe ne s’est accompagné d’aucun acte de prosélytisme ni d’observations des usagers du service ; qu’un tel manquement était de nature à justifier une mesure disciplinaire ; que, par suite, la sanction de résiliation de la convention qui lui a été infligée n’était pas disproportionnée mais légalement justifiée par les faits ainsi relevés à son encontre »


vendredi 23 mars 2018

Laïcité : un peu d'actu

A l'occasion de la reprise d'une intervention datant de l'automne pour sa publication, voici quelques nouvelles rapides (dont certaines ne sont pas neuves) sur les pratiques de laïcité et la jurisprudence.

Le droit et le fait religieux dans l’entreprise

L’année 2017 a été marquée par des décisions de justice et une réforme du code du travail qui ont un impact sur l’entreprise. Vous le savez, on ne parle alors pas de « laïcité » mais de « gestion du fait religieux ».

La gestion du fait religieux dans l’entreprise révèle plusieurs enjeux :
- Le respect des croyances des salariés (qui n’admet pas d’exception).
- Le principe de non discrimination en raison de l’appartenance réelle ou supposée à un groupe religieux (qui n’admet pas d’exception et constitue l’un des critères du délit défini par l’article 225-1 du code pénal).
- La liberté de manifester ses opinions religieuses dans l’espace public.

Cette dernière liberté de manifester sa religion rencontre 2 limites traditionnelles :
- Le contrat de travail et notamment :
o La prestation de travail,
o Les obligations liées à sa situation de travail,
o L’obligation générale de sécurité et de prudence, à travers les EPI, les équipements de protection individuels

- Le bon fonctionnement de l’entreprise, qui peut faire référence à :
o Le devoir de protection générale des salariés, au travers du document unique d’évaluation et de prévention des risques (et notamment des risques psycho-sociaux qui pourrait inclure le prosélytisme abusif),
o Les usages de l’entreprise,
o Le règlement intérieur.

A propos du règlement intérieur : la loi El Khomri modifie le code du travail (article L 13121-1) et autorise désormais une entreprise à faire figurer dans son règlement intérieur une forme de « neutralité ». Il semblerait dès lors possible de sanctionner le salarié qui contrevient à cette disposition en faisant état d’une appartenance religieuse. Le contentieux à venir nous permettra d’être plus affirmatif.

Dans l’intervalle, nous savons deux choses :
  • Pour un employeur, il apparaît complexe de modifier un règlement intérieur. Les limites pourraient venir d’entreprises naissantes. A suivre.
  • La décision rendue par la Cour de Cassation en novembre 2017 semble d’ores et déjà tenir compte de la nouvelle rédaction du code du travail, et invalide pourtant le motif de licenciement d’une salariée car discrimination indirecte.
Rappel du contexte
Suite à une plainte de son client, une entreprise licencie une salariée voilée. C’est le recours contre le licenciement qui a fait l’objet de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE 14 mars 2017, Affaire C-188/15, Bougnaoui et ADDH).
Décision : le licenciement est abusif mais…
« si le règlement intérieur de l’entreprise avait prévu, comme la loi le permet, une limitation de la liberté de manifester ses convictions dans un cadre précis qui ne peut se résumer à la présence de la clientèle, cette décision aurait pu être fondée ».
Discussion : A mes yeux, ça ne change pas grand-chose. La règle reste la même : aucune discrimination sur la base de la conviction religieuse n’est justifiée ni justifiable. La « clause de neutralité » dans le règlement intérieur ne pourra jouer qu’après un dialogue avec le ou la salarié.e qui oppose un motif religieux à sa situation de travail. La décision de sanction ne pourra être que la dernière extrémité, et encore l’employeur devra rapporter la preuve qu’il prendrait la même décision avec n’importe quel autre salarié et n’importe quelle autre conviction (pour échapper au délit de discrimination indirecte).
Sur l’entreprise de tendance « laïque »
Je ne pense toujours pas possible de revendiquer une tendance « laïque » pour une entreprise, aux côtés des entreprises « cultuelles ». La neutralité dans le règlement intérieur fait référence à un mode d’organisation du travail, pas à une conviction. La liberté reste première.

Autres points d’actualité
  • Les crèches de Noël dans les bâtiments publics.
Pour mémoire, concernant la présence de figurines représentant la crèche de Noël à l’extérieur, le cas avait été réglé dès 2010 (voir la jurisprudence du tribunal administratif d’Amiens du 30 novembre 2010 : annulation de la délibération du Conseil Municipal prévoyant l’installation d’une crèche sur la place du village de Montiers, la présence de Jésus, Marie et Joseph méconnaît les dispositions de l’article 28 de la loi de 1905 – élévation d’un emblème religieux). Les questions actuelles portent sur des crèches élevées à l’intérieur de bâtiments publics.

Principe : Les bâtiments affectés au service public sont neutres (Conseil d’Etat Commune de Sainte-Anne 27 juillet 2005, à propos d’un drapeau séparatiste sur le fronton d’une mairie)
Discussion : Une crèche de Noël ne serait pas systématiquement un objet religieux. Il serait possible d’installer une crèche dans un bâtiment public, selon des critères établis par le Conseil d’Etat dans les décisions, nos 395122 et 395223, « Commune de Melun c/ Fédération départementale des libres penseurs de Seine et Marne » et « Fédération de la libre pensée de Vendée », du Conseil d’Etat statuant au contentieux en date du 9 novembre 2016
Critères du juge : L’installation d’une crèche de Noël, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu’elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse. Le Conseil d’Etat invite à tenir compte non seulement du contexte, qui doit être dépourvu de tout élément de prosélytisme, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux, mais aussi du lieu de cette installation.

Illustrations toutes récentes
TA de Nîmes, 16 mars 2018
Refus d’annuler la décision d’installer une crèche dans un bâtiment communal à Sorgues
« La crèche en litige est temporairement installée pour la période des fêtes de Noël dans une salle polyvalente du centre administratif de la commune de Sorgues, distinct de l’ancien hôtel de ville. Ce bâtiment, qui abrite le bureau du maire, la salle où se réunit le conseil municipal ainsi que les services publics municipaux de la commune, doit de ce fait être regardé comme étant le siège de cette collectivité. L’exposition de la crèche géante animée en litige fait depuis 14 ans partie des nombreuses animations que la ville de Sorgues propose à ses habitants dans le cadre d’une opération dénommée « Noël à Sorgues », qui comprennent notamment une grande parade et un grand spectacle son et lumière sans connotation religieuse. Cette crèche est réalisée par un artiste dont l’oeuvre est visitée par plusieurs milliers de personnes chaque année et a fait l’objet de reportages télévisés. Ces circonstances particulières permettent de reconnaître à l’installation litigieuse un caractère culturel, artistique et festif résultant d’un usage culturel local et dépourvu d’un quelconque prosélytisme religieux. »

TA de Nîmes, 16 mars 2018 (même jour)
Annulation décision d’installer une crèche à Beaucaire en décembre 2016
« La crèche en litige a été installée début du mois de décembre 2016 sous l’escalier d’honneur, menant aux services publics et à la salle du Conseil municipal, dans le hall d’accueil de la mairie. Elle se situe donc dans l’enceinte d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique.
L’installation de cette crèche, qui représente Marie et Joseph à côté de la couche de l’enfant Jésus, accompagnés de santons personnifiant à la fois des personnages bibliques, comme les rois mages, et des personnages provençaux traditionnels, résulte d’un usage local, dès lors qu’aucune crèche de Noël n’a jamais été installée dans les locaux en cause avant le mois de décembre 2014. Elle ne peut non plus être regardée comme résultant d’un usage culturel ou d’une tradition festive à Beaucaire, laquelle ne saurait résulter à cet égard de la seule proximité géographique immédiate de cette commune et de la région provençale. La présence de sapins dans la cour de l’hôtel de ville, accompagnée de décorations et d’illuminations en façade, ne peut être regardée comme constituant des circonstances particulières permettant d’inscrire l’installation de la crèche querellée dans un environnement culturel ou festif, en dépit de sa mention dans la page facebook ou le site internet de la mairie. Cette crèche ne peut davantage être directement rattachée à l’exposition «Les Santonales» organisée par l’association «Renaissance du vieux Beaucaire» depuis l’année 2005, dès lors notamment que cette dernière prend place dans un autre bâtiment municipal, situé à environ 250 mètres de l’hôtel de ville où est installée la crèche litigieuse. A la différence de la crèche installée dans le cadre de cette exposition, la crèche en litige ne présente par elle-même aucun caractère artistique particulier et ne peut être considérée comme ayant, en tant que telle, le caractère d’une exposition au sens des dispositions de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905.
Il s’ensuit, alors même que la commune de Beaucaire affirme ne poursuivre aucun but prosélyte, que le fait pour le maire de cette commune d’avoir fait procéder à cette installation dans l’enceinte d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique, en l’absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, a méconnu l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques. »
  • Les croix et statues
La croix du portail du cimetière de Prinçay dans la Vienne. Rapidement, à l’occasion d’un enterrement, un citoyen conteste la présence d’une croix en haut du portail neuf du cimetière.
Le Tribunal administratif de Poitiers, via la question préjudicielle, demande son avis au Conseil d’Etat qui rappelle : « la loi de 1905 qui prévoyait que l’interdiction ne s’applique que pour l’avenir. Le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existant à la date de l’entrée en vigueur de la loi de 1905, ainsi que la possibilité d’en assurer l’entretien, la restauration ou le remplacement. » Or ce portail existait avec sa croix avant 1905, et s’il paraît neuf c’est qu’il a été « rénové » et remis dans son état initial. Une affaire pendante dans une autre ville du même département devrait se conclure autrement, puisqu’il s’agit valablement de l’installation d’un portail neuf.
Rappel : l’exception de l’édification de symboles religieux ne porte que sur les monuments funéraires (ne concerne donc pas le portail du cimetière).

Le monument de la statue de Jean-Paul II et sa croix, offerte par un artiste au maire de Ploërmel, en Bretagne, et installée sur la place « Jean-Paul II » dans des conditions un peu troubles.
Décision du Conseil d’Etat : la statue installée aux frais de la municipalité ne pose pas de problème en tant que telle (la représentation du pape Jean-Paul II n’est pas un emblème religieux), mais la croix qui la surplombe, bien que d’un seul tenant, l’est à l’évidence : elle doit être démolie (seulement la croix !). L’argument de l’intégrité de l’œuvre de l’artiste ne tenait pas.
Pour être complet, la situation a évolué tout récemment avec le rachat du monument dans son intégralité par le diocèse de Vannes.
Référence : CE, 25 oct. 2017, 396990, Féd. morbihannaise de la libre pensée
  • La cantine scolaire et les menus de substitution
Chef de file d’un nombre finalement important de communes ayant cessé de proposer un libre choix dans les menus des cantines présentés comme « menus de substitution pour motif religieux », la ville de Chalon sur Saône a vu finalement sa décision remise en question à deux reprises, sur deux fondements différents : la suppression du libre choix s’appuie sur une conception erronée des principes d’égalité et de laïcité, et méconnaît l’intérêt supérieur de l’enfant. La décision TA Dijon, 28 août 2017, Ligue de défense judiciaire des musulmans c/ Commune de Chalons-sur-Saône, constitue par ailleurs un argumentaire intéressant à connaître face aux questions de nos stagiaires qui portent souvent sur ce thème :

Considérant, d’une part, qu’à partir de 1984 sans discontinuité, les cantines scolaires de Chalon-sur-Saône ont proposé un repas de substitution lorsque du porc était servi ; qu’un tel choix permettait la prise en compte, dans le respect de la liberté de conscience des enfants et des parents, de préoccupations d’ordre religieux ou culturel ; que les décisions attaquées ont retiré ce choix aux usagers du service, mettant ainsi fin à une pratique ancienne et durable qui n’avait jusqu’alors jamais fait débat, alors que les familles ne sont pas nécessairement en mesure de recourir à un autre mode de restauration ;
10. Considérant, d’autre part, que si une contrainte technique ou financière peut légalement motiver, dans le cadre du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, une adaptation des modalités du service public de la restauration scolaire, il ressort du rapport préalable devant le conseil municipal, du compte rendu de la séance du conseil municipal, de la motivation des décisions attaquées et de la défense que ces décisions ont procédé non pas d’une telle contrainte mais d’une position de principe se référant à une conception du principe de laïcité ;
11. Considérant, enfin, que si la ville de Chalon-sur-Saône fait aussi valoir que lorsque par le passé un repas de substitution était servi, les enfants étaient fichés et regroupés par tables selon leurs choix ce qui permettait d’identifier leur religion en violation de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et de l’article 226-16 du code pénal, l’impossibilité d’une méthode alternative, notamment par recours à des questionnaires anonymisés pour l’évaluation des besoins du service ou par mise en place d’un self-service, n’a pas, à la supposer même invoquée, été démontrée ;
12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances particulières de l’espèce, les décisions attaquées, même si l’information des familles a été prévue avant puis pendant la mise en œuvre de la délibération attaquée, ne peuvent pas être regardées comme ayant accordé, au sens de l’article 3-1 de la CIDE, une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants concernés ;

Dans une tout autre affaire, sans lien avec un menu confessionnel (problème de place), le TA de Besançon vient d’affirmer, à propos du service public de la restauration scolaire, que « une fois que la collectivité l’organise, les personnes publiques sont tenues de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit. Elles doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de place, refuser d’y inscrire un élève qui en aurait fait la demande. » Cette décision vient à mes yeux atténuer les effets du caractère « facultatif » de ce service public local et pourrait avoir des conséquences sur le sujet qui nous préoccupe (Référence : TA de Besançon 7 décembre 2017 requête N° 1701724). A suivre...
  • Barbes et tatouages
Instruction de la Direction générale de la Police Nationale du 12 janvier 2018 relative au port des tatouages, barbes et moustaches, bijoux ou accessoires de mode par les personnels affectés dans les services de la police nationale (NOR: INTC1801913J).
On y apprend que "les tatouages, qu’ils soient permanents ou provisoires, ne sauraient être admis dès lors qu’ils constituent un signe manifeste d’appartenance à une organisation politique, syndicale, confessionnelle ou associative ou s’ils portent atteinte aux valeurs fondamentales de la Nation. Il en est de même s’agissant de tout élément, signe ou insigne ostentatoire de même nature qui serait porté par la personne. Les tatouages visibles du public, qui n’entrent pas dans la catégorie précédente, ne doivent pas dénaturer ou compromettre la relation du policier avec les usagers. Le cas échéant, ce tatouage sera masqué quelle que soit sa tenue, lorsque le policier est en contact avec le public ou lorsqu’il est en tenue d’uniforme. Par ailleurs, la coupe de cheveux, les moustaches ou la barbe doivent demeurer courtes, soignées et entretenues, sans fantaisie (…)."

Cour administrative d’appel de Versailles 19 décembre 2017
Validation de la résiliation de la convention avec un stagiaire égyptien portant une barbe particulièrement imposante, accueilli par un centre hospitalier, ayant fait l’objet d’une mesure disciplinaire prise par le directeur de l’établissement public devant son refus de la tailler.
« Considérant que le port d’une barbe, même longue, ne saurait à lui seul constituer un signe d’appartenance religieuse en dehors d’éléments justifiant qu’il représente effectivement, dans les circonstances propres à l’espèce, la manifestation d’une revendication ou d’une appartenance religieuse ; qu’en l’espèce, la direction du centre hospitalier, après avoir indiqué à M. A...que sa barbe, très imposante, était perçue par les membres du personnel comme un signe d’appartenance religieuse et que l’environnement multiculturel de l’établissement rendait l’application des principes de neutralité et de laïcité du service public d’autant plus importante, lui a demandé de tailler sa barbe afin qu’elle ne soit plus de nature à manifester, de façon ostentatoire, une appartenance religieuse ; que les demandes formulées par le centre hospitalier auprès de M. A...étaient justifiées par la nécessité d’assurer, par l’ensemble du personnel, le respect de leurs obligations en matière de neutralité religieuse ; qu’en réponse à ces demandes, M. A...s’est borné à invoquer le respect de sa vie privée sans pour autant nier que son apparence physique était de nature à manifester ostensiblement un engagement religieux ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant manqué à ses obligations au regard du respect de la laïcité et du principe de neutralité du service public, alors même que le port de sa barbe ne s’est accompagné d’aucun acte de prosélytisme ni d’observations des usagers du service ; qu’un tel manquement était de nature à justifier une mesure disciplinaire ; que, par suite, la sanction de résiliation de la convention qui lui a été infligée n’était pas disproportionnée mais légalement justifiée par les faits ainsi relevés à son encontre »
  • Emballement médiatique autour de l’exercice du culte dans l’espace public
Polémique autour des « prières de rue » à Clichy, occasion de rappeler la distinction entre l’exercice du culte qui peut être autorisé sur la voie publique, et une emprise irrégulière du domaine public causant un trouble à l’ordre public.
  • A propos de la liberté religieuse des députés
Nous avons peu d’informations sur la valeur juridique de ce texte, mais voici un extrait de « l’instruction générale du Bureau de l’Assemblée nationale » concernant la tenue des parlementaires en séance, rédigé après l’affaire du maillot de football de François Ruffin :

La tenue vestimentaire adoptée par les députés dans l’hémicycle doit rester neutre et s’apparenter à une tenue de ville. Elle ne saurait être prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion ; est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d’un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique (…). Art. 9

Si les règlements des assemblées parlementaires doivent impérativement être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, il semble que ce ne soit pas le cas de ce sous-ensemble. Cela n’enlève en rien son caractère choquant puisque voici, à tout le moins, un bel exemple d’atteinte à la liberté d’expression… Il reste à attendre l’événement qui le remettre sur le devant de la scène. A ce titre, il subira peut-être le même sort que l’interdiction du port de pantalon par les élues, usage que Michèle Alliot-Marie avait rendu célèbre en 1972 en proposant, à l’huissier qui lui interdisait l’accès à la séance, de l’enlever sur le champ. A suivre.

vendredi 24 novembre 2017

Cachez voiles et signes religieux, les clients achètent notre neutralité

Dans un arrêt n° 2484 du 22 novembre 2017 (13-19.855) rendu le 22 novembre la Chambre sociale de la Cour de Cassation dévoile une forme de mode d'emploi de l'article L1321-2-1 du Code du Travail (tiré de la loi El Khomri) permettant à une entreprise privée d'inscrire une forme de principe de neutralité dans son règlement intérieur.