jeudi 21 mars 2019

Education : la loi Debré est-elle compatible avec la loi 1905 ?

Dans le cadre de mes missions de formateur "laïcité", il m'arrive d'être saisi de questions orientées. Il en est ainsi de la suivante, sans doute mise au goût du jour par les conséquences de l'abaissement  de l'âge de la scolarité à 3 ans. En filigrane, l'abrogation de la loi Debré et le slogan "école publique fonds publics, école privée fonds privés". Le texte de la question est laissé tel que présenté par son auteur.

La Loi Debré, qui stipule que l’État doit subvenir aux frais de fonctionnement des établissements privés qui remplissent une mission de service public et ont signé un contrat avec lui, est manifestement en contradiction avec l’article 2 de la Loi de 1905 d'autant plus que l'enseignement privé (presque exclusivement catholique) revendique  l’expression de son caractère propre fondé sur la foi et la culture chrétienne et n'est pas assujetti à la loi de 2004 sur les signes religieux.
La très chrétienne Italie ne se révèle-t-elle pas concrètement plus laïque que la très sécularisée France quand elle réserve les fonds publics exclusivement à la seule école publique ?


Cher Monsieur, votre question relève d’une longue querelle, autour du principe d’un grand service public unifié de l’éducation nationale.

Actuellement, le service public de l’enseignement n’est pas uniquement porté par l’école publique, mais bien composé, avec d’un côté un acteur d’Etat (l’Education Nationale) et de l’autres de nombreux acteurs privés : les établissements privés sous contrat d’association avec l’Etat. C’est le sens de la loi Debré, qui concerne les établissements privés dans leur ensemble et non les seuls établissements catholiques : l’association à l’État traduit la volonté des établissements privés de participer au service public d’éducation.

« Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus ci-dessous, l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyances y ont accès. »
(art. 1 loi Debré)

La loi laisse à chaque établissement privé le soin de définir son « caractère propre ». Celui de l’Enseignement Catholique a été exprimé en 1969 par les évêques de France : « lier dans le même temps et dans le même acte l’acquisition du savoir, la formation de la liberté et l’éducation de la foi : proposer la découverte du monde et le sens de l’existence ».

En pratique, conformément à la loi, les programmes d’enseignement des écoles catholiques sous contrat d’association avec l’Etat sont ceux de l’Education Nationale, l’enseignement religieux n’y est pas obligatoire et les enfants ne partageant pas la religion de l’établissement ne peuvent pas être refusés. Ces engagements assurés et contrôlés, l’enseignement "est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat. (…) Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public." (a. L442-5 code de l’éducation).

Nous vous confirmons en outre que les établissements privés sous contrat sont exclus du champ d'application de l’article L141-5-1 sur le port des signes religieux, qui est destiné aux établissements publics. Les établissements sont donc libres d'accepter ces signes ou d'en réglementer le port sans contrevenir à la loi Debré (conformité d’une telle interdiction dans un arrêt de la Cour de cassation datant de 2005 qui confirme que la mesure figurant au règlement intérieur d’un établissement privé sous contrat d’association relevait « de l'organisation scolaire et du projet éducatif propre du collège sans violer pour autant son obligation d'accueillir les enfants en dehors de toute distinction d'origine, d'opinion ou de croyance »).

L'illustration provient d'AGORAVOX

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Cordialement,
Marc Guidoni