samedi 23 mars 2019

Lieux publics : neutralité ou laïcité

Nouvelle question posée par un internaute sur le sujet "laïcité" : Peut-on avoir des précisions sur la question 6 du quiz de la séance de cette semaine : "En France, un lieu ouvert au public, comme un cinéma ou une boutique, doit être impérativement neutre (sans emblème religieux)." Merci.

L'affirmation proposée dans le quiz VRAI/FAUX est bien fausse. Il est possible que votre hésitation provienne d’une confusion autour du sens de l’adjectif public, ainsi que d’une idée reçue à la vie dure qui fait de la religion une « affaire privée ». Il ne faut donc pas confondre lieu public privé (ouvert au public) et lieu public administratif (espace de réalisation du service public).

En effet, dans notre pays, le principe de base est la liberté d’exprimer ses opinions, même religieuses, sous réserve de ne pas troubler l’ordre public établi par la loi. Il faudrait donc impérativement une loi pour limiter précisément le droit d’apposer un signe religieux dans un lieu ouvert au public. Ainsi, regardons du côté de la loi…

Premièrement, la loi de 1905. Selon sa lettre, le principe de neutralité de l’Etat s’applique non seulement aux agents du service public, mais aussi : « il est interdit à l’avenir d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions. » La jurisprudence administrative, autant sur des signes religieux que politiques, confirme la nécessité d’avoir des bâtiments publics neutres. Pour autant, l’expression bâtiment public» désigne-t-elle l’ensemble des lieux ouverts au public ?

Deuxièmement, la loi du 11 octobre 2010, connue pour avoir interdit la « dissimulation du visage dans l’espace public », va nous permettre de clarifier la situation. En définissant l’espace public, la loi nous fait distinguer en réalité 4 espaces, dont les frontières ne sont pourtant pas toujours évidentes :
L’espace privé, qui est celui du domicile
L’espace social, qui est celui de l’entreprise
L’espace administratif, qui est celui des services publics
L’espace partagé, commun à tous, constitué par exemple de la rue ou de la place, du jardin public…

Ces 4 catégories distinguées nous font découvrir deux sortes de lieux recevant du public, dont le régime diffère. Dans l’espace administratif (qu’il soit celui de l’Etat ou d’une personne privée chargée d’une mission de service public), la neutralité s’impose pour les agents et les bâtiments, au nom de l’égalité des citoyens, quelle que soit leur croyance, devant le service public. Dans l’espace social, qui est constitué aussi de lieux ouverts au public, c’est la libre manifestation qui est garantie, sous réserve de la bonne marche de l’entreprise.

Ainsi, un commerce, une salle de spectacle privée, n’importe quel lieu ouvert au public exploité par une personne privée qui ne serait pas chargée explicitement d’une mission de service public, peut ainsi comporter un emblème religieux.


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Cordialement,
Marc Guidoni