vendredi 29 mars 2013

Chicago déclare la guerre à Persepolis


Incroyable nouvelle ! Si la France est la patrie des droits de l’homme, on présente souvent, mais c’est à tord, les Etats-Unis comme celle de la Liberté. Nouvel exemple de cette dramatique confusion, la cité de Chicago qui renoue avec la prohibition.

Mais il ne s’agit pas de lutter contre la consommation excessive d’alcool ou contre les descendants d’Al Capone trafiquant du whisky frelaté. Non, cette fois les mesures de rétorsion portent sur un monument de la littérature graphique. L’interdiction porte sur la série Persepolis, témoignage de Marjane Satrapi sur son enfance en Iran, une BD célébrée à l’écran et auréolée par sa conquête d’un prix à au Festival de Cannes.

En cause ? Selon un mail capté par des spécialistes et révélé par un enseignant réfractaire : « les histoires de femmes de l’âge à la révolution iranienne ne sont pas des matériaux appropriés ». C’est Julien Alles (alias  @jugraf), éditorialiste BD pour leMague.net qui le porte à notre connaissance. Selon lui : « La Femme du monde arabe n’a pas droit à sa part d’histoire, de mémoire […] La femme qui a vécu une révolution, la chute du Shah, la censure, le port du voile obligatoire, n’a pas sa place dans les écoles à Chicago. […] Il faut protéger et ne pas choquer les communautés ! » (lien vers le billet)

Que se cache-t-il derrière cette mesure scolaire ? Sans doute l’action de lobbies puissants qui pourraient déstabiliser l’économie de l’Illinois qui s’il est un état agricole n’en reste pas moins le siège de Boeing, de Mc Donald’s et de Motorola.

Par définition, la mise à l’index d’un livre est toujours choquante. Qui plus est pour cette œuvre majeure. Alors que l’Europe est traversée par des inquiétudes sincères sur le sort des femmes, les Etats-Unis semblent renouer avec les heures sombres de leur histoire, déjà dénoncée par Ray Bradbury dans Farenheit 451. Dans ce livre, paru pendant le maccarthisme, l’auteur évoquait des autodafés organisés par le pouvoir politique. Les résistants d’alors trafiquaient des bouquins.

Cette affaire passée inaperçue, et que certains trouveront ici surdimensionnée, pourrait bien donner raison à Bradbury. Ce qui est en jeu avec Persepolis à Chicago c’est peut-être la fin de la culture, le triomphe de la téléréalité sur la chose littéraire. Vous verrez, quand votre bouquin préféré sera à son tour banni…

Nous ne connaissons pas en France ce type de prohibition. C'est heureux. Nous réservons même le meilleur accueil à toute forme de création, dans la tradition culturelle de notre pays. Pourtant, consulter le programme scolaire de littérature revient à constater que, derrière une apparente variété de style et d’auteurs, nos enfants sont incités à découvrir des œuvres creuses et dénuées de sens, au mépris d’œuvres, centenaires ou contemporaines, qui pourraient contribuer à leur enrichissement personnel et forger un patrimoine culturel commun à toutes les générations et renforcer nos liens.

Au fait. Avez-vous lu Ray Bradbury ?

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Cordialement,
Marc Guidoni