mercredi 11 avril 2012

La fin des colos

Ils sont mignons ceux qui rejoignent, à grands frais d’ailleurs, l’association nouvellement créée pour défendre les séjours de vacances. Car dans la liste des gens qui se précipitent on trouve quelques uns de ces grands argentiers des séjours qui se sentent propriétaires des colos comme d’un concept marketing. Ne viennent-ils pas ici préserver leur part sur ce qui est devenu au mieux un mode de garde et au pire un marché : les vacances collectives ?

Des colos aux séjours

Il est loin le temps où un pasteur réformé suisse emmenait les enfants des villes respirer l’air de la campagne. Aussi loin celui où des petits d’ouvriers découvraient la mer... Aujourd’hui, les parents confient les enfants à des multinationales du loisir (ça les rassure, par rapport aux petites associations on ne sait jamais...), le plus souvent des associations qui sont devenues des sociétés commerciales qui vendent du rêve, et justifient leurs prix exorbitants par leur souci de la sécurité de leurs clients.

Dans ces séjours de vacances, les enfants et les adolescents ne construisent pas de cabanes, ne parcourent plus la montagne sacs au dos. Ils se bousculent dans des files d’attente des parcs d’attraction, lézardent au bord de piscines dans des spots prestigieux, dorment à l'hôtel ou font des centaines de kilomètres dans des minibus et découvrent le monde, dernier écot payé au côté éducatif des colos.

Tout a changé sauf une chose : les adultes qui les encadrent ont toujours le BAFA, et sont toujours payés au lance-pierre, ce qu’ils acceptent bien volontiers pour eux aussi profiter du voyage. Après tout, pourquoi pas. Mais quelle indécence d’en faire les boucs-émissaires de la situation actuelle. Quel scandale de dire qu’on ne va plus pouvoir faire partir les jeunes parce que les animateurs coûtent trop cher ! La vérité, c’est qu’on ne pourra pas, dans ces structures, s’enrichir autant qu’avant sur le dos des familles ou de leurs financeurs.

On a fait des vacances un métier. Il est juste que les professionnels réclament une juste rémunération de leur travail. Mais on ne peut pas condamner tout un secteur en traitant à égalité ceux qui font du commerce et ceux qui concourent à l'intérêt général.

La fin du "marché" des vacances

Ne vous faites pas d’illusions. Les colos que ces sociétés prétendent défendre en obtenant ici ou là des dérogations au droit du travail sont déjà finies. Elles sont mortes le jour où le contrat d’engagement éducatif n’a pas été réservé aux institutions sans but lucratif appliquant la convention collective de l’animation. Elles sont mortes le jour où ce minibus s’est renversé parce que les animatrices n’avaient pas assez dormi. J’en finis par la souhaiter, cette « fin des colos », si elle condamne les 15% de gros organisateurs qui font du fric sur le dos des jeunes, et surtout sur leur sécurité.

Je pars demain encadrer un stage BAFD. Nous allons parler "éducation populaire", "engagement", nous allons développer des intentions éducatives et des projets pédagogiques. Je ne me fais pas de souci pour les vendeurs de loisirs, ils trouveront d’autres clients. Mais que vont devenir les associations qui, comme la mienne, proposent à ceux qui ne peuvent pas partir des rêves accessibles encadrés par des jeunes volontaires ?

Alors, évidemment, cela mérite quelques nuances. Mais pas sur la question principale : où étaient-ils dans la commission ministérielle ces anonymes souvent bénévoles qui, au mépris de la mode, donnent de leur temps et de leur fatigue pour le droit aux vacances de ceux qui sont privés de tout ? Pour l’éducation et l’ouverture au monde de ceux que l’économie retire de tout ? Pour une société plus juste en donnant envie aux enfants de s’engager dans la construction du monde dans lequel ils vivront ?

Tout cela, ça ne se compte pas en heures, ni en euros…

Pour aller en savoir plus :
Le dossier sur le rapport Nutte dans le Journal de l'Animation
Ma série "Qui veut la peau des colos ?"
Le rapport Nutte en téléchargement sur PlanetAnim
CEE, la fin de l'aventure juridique sur PlanetAnim


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Cordialement,
Marc Guidoni