dimanche 9 mai 2010

Les coups de tête du dimanche (2) : Le désordre démocratique

Deuxième série de coups de tête. Les colères hebdomadaires, les méditations sauvages sur l'actualité de la semaine, réunies sous l'appellation 'les coups de tête du dimanche'. Rendez-vous chaque semaine, si l'info le mérite, pour des remarques qui n'engagent que leur auteur ! Cette semaine, la faillite du parlementarisme britannique et la question prioritaire de constitutionnalité.



Cameron - Brown - Clegg, les tristes sires du Royaume-Uni ?

Le régime parlementaire britannique est tombé jeudi dans un coma dont il n’existe que peu de chances de le voir sortir. Le résultat inattendu du scrutin législatif du 6 mai met fin à quelques siècles de fonctionnement lisse et (osons) idéal d’un système qui avait mis la démocratie au cœur de la monarchie tout en préservant la stabilité nécessaire à un gouvernement efficace.

Après 17 ans de pouvoir au New Labour, le peuple britannique s’est doté d’une liberté que ni la Magna Carta ni le Bill of Rights n’avaient pu anticiper : il a voté pour les candidats d’une troisième force, au point d’en élire une cinquantaine et, par la même, dézinguer tout le système. Heureusement, le mode de scrutin des élections générales permet aux sortants des deux camps de sauver la face, ne laissant que des miettes à la troisième force de Clegg. Depuis, et malgré Cameron qui tente de capitaliser sur sa victoire électorale pour s’imposer comme chef du gouvernement ou Brown qui évoque la coutume constitutionnelle pour ne pas quitter le 10 Downing St., il n’est qu’une certitude : les Britanniques ont cassé le modèle du régime parlementaire.
Tout avait été mis en place pour sa maîtrise, jusque dans la configuration du Parlement de Westminster, avec sa table centrale et ses sièges qui se font face. Le bipartisme, hérité des illustres Whigs et Tories des hautes luttes médiévales, était conservé au moyen d’un système électoral implacable, dans lequel dès le premier (et unique) tour celui qui arrive premier est élu.

Après plusieurs siècles d’un règne sans conteste, le régime britannique s’effondre avec le flegme et la délicatesse qui caractérisent nos voisins d’outre-Manche. Une fois encore, c’est le peuple qui a eu raison d’un système que jusqu’ici personne n’avait osé critiquer. Il pourrait même obtenir une victoire totale, si Clegg convainc Cameron de réformer le système électoral. Cela dit, au milieu d’une crise économique planétaire ce pourrait être une victoire à la Pyrrhus.

Priorité ? constitutionnalité !

On parle si peu de la question prioritaire de constitutionnalité que je me demande si les Français sont conscients du bouleversement inespéré que cette réforme a produit. Depuis le 1er mars dernier, nous autres, enfants de Rousseau, avons la possibilité d’obtenir le procès de la loi à l’occasion d’une instance judiciaire ou administrative. Qui aurait cru cela possible dans notre régime légicentriste qui a tant peiné à admettre la supériorité consitutionnelle.

Cette possibilité de faire vérifier la constitutionnalité d’une loi est d’abord une véritable victoire pour les tenants des droits de l’Homme. Elle permet une insurrection modérée, la désobéissance civile, occasion de remettre en cause une loi inique malheureusement votée par un Parlement égaré.
Mais c’est aussi une défaite, heureuse, celle de la démocratie sans peuple. Puisque chacun sait le pouvoir législatif mué en chambre d’enregistrement, nous voici en mesure, si aucun parti ne prend ses responsabilités et agit avant sa promulgation, d’opérer un contrôle a posteriori sur les décisions des politiques.

Il reste une limite, et c’est peut-être ce qui explique le silence relatif hors de la sphère juridique sur cette innovation. Que vont faire les juges de cette opportunité ? S’en saisir pour enfin devenir un pouvoir d’équilibre ? Espérons-le. Mais l’attitude récente de la Cour de Cassation n’est pas encourageante.

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Cordialement,
Marc Guidoni