mercredi 12 octobre 2011

Engagement éducatif : au lit les monos !


C'est fait : désormais ils iront se reposer… Les voisins du centre de vacances pourront dormir tranquilles. En effet, alors que tous les directeurs de séjour désespèrent d’obtenir de ces grands enfants que sont les animateurs qu’ils prennent le repos nécessaire à assumer leurs responsabilités, notre bon juge administratif a mis au point une solution radicale : le décret est annulé ! Allez, hop, au lit les monos !


Après un temps de réflexion apparemment conséquent, le Conseil d’État a donc censuré le 10 octobre dernier le décret réglementant le temps de travail des animateurs d’accueils collectifs de mineurs, car il ne prévoit pas un temps de repos ou, comme l’exige la règle européenne, des garanties équivalentes. Alors les associations klaxonnent, le coût des séjours va devoir augmenter pour faire face au besoin de personnel supplémentaire... parce qu’il faut bien surveiller les enfants qui, eux, ne sont pas soumis au droit du travail.


Un cadre juridique peu respectueux du droit des salariés

Il faut bien le dire, la loi du 23 mai 2006, codifiées aux articles L. 432-1 à L. 432-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF) organise un régime totalement dérogatoire aux dispositions générales du code du travail, et pas seulement celles relatives à la durée du travail et aux repos hebdomadaire et quotidien.

La motivation de cette exception tient dans l’anomalie, déjà commentée, que constituent les colonies de vacances, où interviennent des personnes qui « participent de façon occasionnelle à des fonctions d’animation ou de direction d’un accueil collectif de mineurs à l’occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs ». Rapidement, il s’agit d’un régime de travail non salarié, communément dénommé l’engagement éducatif. La justification se fait par l’histoire, encadrer une colo ce n’est pas comme un vrai travail, les buts sont différents, l’enrichissement est d’un autre niveau.

Oui mais… en professionnalisant le secteur (merci les BPJEPS !), on a fini par transformer la joyeuse anomalie en situation de précarité pour des gens formés pour plusieurs milliers d’euros qui se retrouvent mal payés et mal traités. D’où le contentieux… d’origine syndicale.

Une décision inéluctable

Il y a bientôt 1 an, la Cour de Justice de l’Union avait, dans un arrêt C-428/09 du 14 octobre 2010, épinglé les dispositions sur le contrat d’engagement éducatif. Le Conseil d’État vient donc seulement de tirer les conséquences de cette décision en relevant que les dispositions des articles L. 432-1 à L. 432-4 du code de l’action sociale et des familles ne prévoient ni périodes équivalentes de repos compensateur ni protection appropriée.

En conséquence, la plus haute juridiction administrative a annulé le décret du 28 juillet 2006  qui ne prévoyait, en ce qui concerne le régime du repos accordé aux titulaires d’un contrat d’engagement éducatif, ni repos quotidien ni protection équivalente. Il en résulte que, tant que de nouvelles dispositions dérogatoires, compatibles avec le droit de l’Union, ne sont pas adoptées, les moniteurs de colonies de vacances ont droit à un repos quotidien de 11 heures consécutives.

Oui mais, et maintenant ?

C’est la question que posent tous les organisateurs de séjours, à quelques jours du démarrage des vacances de la Toussaint. Car si la décision est fondée sur le droit des salariés, elle oublie la réalité des accueils collectifs des mineurs : présence continue des enfants, donc des adultes, continuité éducative, … des questions déjà soulevées par l’application des 35 heures dans la filière animation de la fonction publique territoriale.

Attendons-nous au pire, le Ministère a promis des réponses de son groupe de travail d’ici un mois. On ne sait toujours pas qui en est membre…, et au vu des discours qui font de cette affaire une histoire de gros sous, il y a fort à parier que les plus petits trinqueront. Tandis que rien n’assurera jamais quiconque que nos animateurs iront faire dodo durant ces fameuses 11 heures toutefois bien méritées ;p.


(voir fil des billets sur ce thème : Qui veut la peau des colos ?)


Décision : CE, 10 octobre 2011, Union syndicale Solidaires Isère, n°301014

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Marc Guidoni