vendredi 23 avril 2010

Burqa ou mini-jupe : la liberté au placard ?

Coline Serreau, femme de cinéma qu’on ne présente plus, a tenu hier soir des propos forts sur ITélé, affirmant son adhésion au principe d’une interdiction générale de la burqa qu’elle décrit comme l’étoile jaune de la condition féminine (sic). Victorieuse sans conteste au mètre carré de tissu, le voile intégral est-il en train de chiper à la mini-jupe son statut de symbole ?



L’affaire qui nous occupe n’est pas une question de mode. Cacher ou montrer ne sont plus les enjeux d’un concours de beauté. D’abord parce que le parallèle avec la mini-jupe est sans doute aujourd’hui ridicule : dans tous les placards, portée à tous les âges (plus ou moins heureusement), la mini-jupe a perdu, au profit de tant d’accessoires, sa connotation suggestive. On entend pourtant ici et là des remarques qui forcent à s’interroger. La condition de la femme a-t-elle progressé avec l’exposition des formes ? Ne sont-elles pas à égalité dans les rues celles qui sont insultées parce qu’elles offrent leur corps aux regards des hommes et celles qui dérobent leurs atours sous le drap noir de l’Islam ?

Mais de quoi la burqa sera-t-elle le symbole ? Le symbole d’un ostracisme antimusulman ? Le symbole d’une société dans laquelle il faut se montrer pour espérer réussir ? Le symbole d’une laïcité et d’un projet de société qui veut contribuer chaque jour à permettre à de nouveaux humains de conquérir leur liberté ?

Alors, burqa, pantalon, mini-jupe, string, micro-jupe … le problème se situe peut-être dans la valeur paradoxale que notre société accorde à la pudeur et à la dignité. Denys de Béchillon défend avec les juristes un droit à la dignité qui se traduit notamment dans le droit de disposer de soi contre le gouvernement extérieur des corps. Ainsi peut-il écrire que le principe de l'égale dignité des femmes protègera leur liberté de porter la burqa pour autant qu'elles le souhaitent. Mais les femmes, et nous tous, sommes-nous réellement libres dans le monde d’aujourd’hui ? Nous ne savons pas, ajoute-t-il, combien de femmes sont libres sous la burqa.

Sera-ce l’ultime combat de la cause féminine : résister aux diktats de la mode et résister aux assauts des fondamentalistes, pour affirmer un droit à se vêtir librement protégé par la Constitution. Une liberté jadis arrachée à la puissance paternelle et conjugale, désormais à protéger contre l’Etat ? Et dans une société où dire à une personne qu’elle est charmante est parfois une véritable agression, faudra-t-il aussi une loi pour permettre aux femmes de porter librement un vêtement sans être victime de commentaires désobligeants ou de gestes déplacés ?

« les femmes savent sans le savoir que, en adoptant telle ou telle tenue, tel ou tel vêtement, elles s'exposent à être perçues de telle ou telle façon. » Bourdieu

La dignité contre la burqa : paradoxes et contradictions, Denys de Béchillon, Les Echos (novembre 2009)
(D. de Béchillon est professeur de droit public)

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Marc Guidoni