vendredi 12 novembre 2010

Régulation : quel avenir pour les AAI ?

La France s’est accoutumée sur le tard d’un mode de production juridique et de règlement des conflits : les autorités indépendantes, sur le modèle des agences américaines de régulation ou encore de l’ombudsman suédois. Ce qui était encore en 2006 un ‘objet juridique non identifié’, aux dires du sénateur Patrice Gélard, est aujourd’hui un mécanisme bien rodé, et surmultiplié. Avec la libéralisation des services publics, ces institutions à la fois administratives et indépendantes se sont développées, au nom de l’efficacité d’une ‘régulation sectorielle’, après les génériques Conseil des marchés financiers et Conseil de la Concurrence. ARCEP, CRE, HADOPI, Médiateur, HALDE, CNIL, CADA, CNDS… et tant d’autres. Autant de structures qui caractérisent le renouvellement des modes de présence de l'État, notamment dans la sphère économique.
L’Assemblée nationale a rendu récemment public le rapport de son Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques consacré aux autorités administratives indépendants, plus communément dénommées 'AAI.' Globalement, le texte entérine et valide, si c’était nécessaire, le recours aux autorités. Mais les parlementaires préconisent 6 séries de mesures, et donnent pas moins de 30 recommandations.

Les recommandations du Comité

Globalement, le Comité réclame un double effort, de rationalisation et de contrôle démocratique. Les députés envisagent notamment des regroupements ou des suppressions (p.ex. le Défenseur des droits regrouperait le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Halde ou encore fusion de l’ARCEP, du CSA et d’Hadopi au nom de la convergence numérique). Cet effort permettrait de faire quelques économies dans les dépenses de fonctionnement, sans compter le renforcement de la lisibilité pour les citoyens. Ensuite, tout en reconnaissant que les moyens manquent parfois pour remplir les missions assignées, les parlementaires invitent les AAI à plus de transparence dans leur gestion, une gestion qui pourrait être évaluée avec leur activité à travers un rapport annuel remis au Parlement.

Sélection de mesures recommandées
I.- Améliorer les conditions d'exercice des pouvoirs des AAI :

Recommandation n° 1 : Assurer la présence d'un commissaire du Gouvernement auprès des autorités dotées d'un pouvoir réglementaire.

Recommandation n° 2 : Doter les AAI exerçant des pouvoirs de sanction d'un collège suffisamment nombreux pour que puissent y être distinguées les fonctions de poursuite et de sanction.

Recommandation n° 3 : Compléter les pouvoirs de sanction de l'AMF par un pouvoir de transaction pénale et privilégier l'attribution de procédures alternatives de sanction aux nouvelles autorités.

II.- Rationaliser le régime juridique et l'organisation des AAI :

Recommandation n° 4 : Affirmer dans la Constitution, ou dans une loi organique complétant l'article 34 de la Constitution, la compétence du législateur pour fixer les règles concernant la création et l'organisation des autorités administratives et publiques indépendantes.

Recommandation n° 6 : Réaliser régulièrement, au sein des commissions compétentes, l'évaluation des AAI existantes afin d'envisager, le cas échéant, leur réorganisation.

Recommandation n° 7 : Faire précéder la création de toute nouvelle autorité d'une évaluation déterminant si les compétences qui seraient confiées à cette nouvelle entité ne pourraient être exercées par une autorité existante.

Recommandation n° 9 : Adopter un cadre législatif définissant les caractéristiques communes des AAI au regard de leur indépendance, de leurs procédures de sanction et de la publication d'un rapport annuel.

III.- Améliorer les conditions de saisine des autorités administratives indépendantes :

Recommandation n° 10 : Doter les autorités qui le jugeraient utile, telles que le Défenseur des enfants, d'un pouvoir d'auto-saisine.

Recommandation n° 12 : Ouvrir la saisine du Médiateur de la République à l'ensemble des citoyens, tout en préservant la possibilité d'une saisine par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur.

Recommandation n° 15 : Engager une réflexion sur la possibilité pour les AAI de présenter, à la demande des juridictions, des observations à l'occasion de l'examen d'affaires dont elles ont eu à connaître, et pour les juridictions de saisir les AAI afin d'obtenir leur expertise.

IV.- Renforcer l'indépendance des autorités administratives indépendantes et leur donner des moyens adaptés à leurs missions

V.- Fortifier l'indépendance des collèges et des services des AAI :

Recommandation n° 22 : Prévoir que les membres des AAI ne peuvent effectuer qu'un mandat d'une durée de six ans et que le collège est renouvelé par tiers tous les deux ans.

Recommandation n° 23 : Appliquer aux membres des AAI un régime d'incompatibilité visant l'exercice de fonctions ou la détention d'intérêts au sein d'organismes qui pourraient être concernés par l'activité de l'autorité et la participation aux activités de l'autorité qui concerneraient des organismes au sein desquels les membres auraient exercé des fonctions ou détenu des intérêts.

Recommandation n° 24 : Soumettre la nomination de personnalités qualifiées au sein du collège d'une AAI à des exigences de compétence en rapport direct avec le domaine d'intervention de l'autorité.

Recommandation n° 25 : Prévoir la définition par chaque AAI d'incompatibilités a posteriori, relatives aux responsabilités auxquelles peuvent accéder les anciens membres du collège.

VI.- Renforcer le contrôle démocratique de l'activité des autorités administratives indépendantes :

Recommandation n° 27 : Prévoir la publication, par toutes les AAI, d'un rapport annuel adressé aux présidents des deux assemblées, aux présidents des commissions des finances et aux présidents des commissions compétentes.

Recommandation n° 28 : Soumettre le rapport annuel de chaque AAI à la délibération de son collège et présenter dans ce rapport :
• un bilan de l'utilisation des crédits et de la mise en œuvre des prérogatives de l'autorité ;
• les règles déontologiques appliquées par les membres du collège et les cadres des services ;
• la doctrine suivie par l'autorité dans l'exercice de ses missions.

Recommandation n° 30 : Inciter les AAI à définir des objectifs de performance et des indicateurs de résultat afin de permettre au Parlement de mieux contrôler leur activité.

Pour aller plus loin :
Entre résignation et renouvellement de l’intervention publique, G. Lecerf
Vers une fusion des AAI, JF Bruzzi

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Cordialement,
Marc Guidoni