mercredi 12 mai 2010

Qui se soucie du bien-être des enfants ?

Alice Miller nous a quittés. Je l’évoquais il y a peu dans le débat sur la fessée et son interdiction. Ses convictions continuent de trouver à s’illustrer cette semaine. Ainsi j’ai pu lire un sordide état des lieux de l’enfance en France, dressé par une pédiatre épidémiologiste de l’INSERM, Anne Turz. Il commence par un constat sans appel : « Ne nous leurrons pas, nos enfants vont mal, voire très mal. La destruction systématique, engagée depuis 2002, des systèmes scolaire et de santé a produit les effets délétères que l'on pouvait craindre. » S’ensuit la description des indices qui lui permettent de l’affirmer, et qui font de la France un mauvais élève d'un classement établi par l’Unicef.


Oui, la France est 18ème dans ce classement des pays riches qui se préoccupent du bien-être des enfants. C’est le tableau du déshonneur, autant pour le bien-être éducationnel (le niveau moyen de lecture, de math et de sciences d’un jeune de 15 ans) que pour le bien-être subjectif (la perception de soi-même, de sa santé et le goût pour l’école). La Grèce, la Tchéquie et la Hongrie nous devancent … Les États-Unis sont derniers, l'honneur est sauf.

La position de la France est, pour le médecin, notamment liée à notre mode de prise en charge de la maltraitance et de ses impacts dans le long terme. Malgré les efforts récents des pouvoirs publics, malgré une certaine prise de conscience sociale, les chiffres de l’enfance maltraitée en France restent vertigineux. Pensez : 10 % au moins des enfants en France sont victimes de violences physiques ou sexuelles, d'humiliations répétées, de carence grave en affection, d'exposition à des risques majeurs, de manque de soins ou d'abandon. Un phénomène qui traverse toutes les classes sociales, malgré la rénovation de la protection de l’enfance en 2007. Et que dire de la suppression du défenseur des enfants ...

Anne Turz développe ensuite son propos sur le lien entre la perte d’influence et moyens de la médecine scolaire et décrit d'autres symptômes d’une société malade de sa jeunesse. L’enquête réalisée récemment par l’Afev pour l’Observatoire de la jeunesse solidaire ne détrompe pas le lecteur sur l'existence d'un fossé entre la population et les 15-25 ans, jugés le plus souvent irresponsables et passifs. Il y a bien quelques points positifs, mais l’impression générale conforte l’idée que la société française est fâchée avec sa jeunesse.

Armés de sondages, de résultats de tests, de fichiers recensant les élèves en difficulté,  décrocheurs, les jeunes racailles, … l’école (s’apprête à relayer) relaie déjà de manière massive le discours ambiant. La réponse de l'État aux maux de la jeunesse reste l'affaire des manuels scolaires, ou de la justice. Muscler la prise en charge des situations d’échec ne pourra pas longtemps masquer l’absence d’une réelle politique de l’enfance et de la jeunesse dans notre pays, qui confond depuis trop longtemps instruction, culture et éducation. Oui, réussir à l'école a son importance. Mais n'a-t-on pas d'autres projets, d'autres rêves à faire avec nos enfants ?

+ d'infos : Face à l'abandon de l'enfance par le gouvernement français, il ne faut pas se tromper de combat (LEMONDE.FR 04.05.10)

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Marc Guidoni